Une mission en Vendée, 1793

UNE MISSION EN VENDÉE, 1793. 227

occupations que réclament les circonstances, et nul n'est dupe de ce mensonge; on le sait bien portant et en ville; on sait qu’il est dans un sérail entouré d’insolentes sultanes et d'épaulettiers luiservant d’eunuques ; on sait qu’il est accessible aux seuls gens d'état-major qui le flagornent sans cesse et calomnient à ses yeux les patriotes; on sait qu'il a de tous côtés des espions qui lui rapportent ce qu'on dit dans les comités particuliers et dans les assemblées publiques. Les discours sont écoutés, les correspondances interceptées. On n'ose ni parler, ni écrire, ni même penser. L'esprit publie est mort, la liberté n'existe plus. J'ai vu dans Nantes l’ancien régime. L'énergie des sans-culottes est étouffée, les vrais républicains pleurent de désespoir d'avoir vu le despotisme renaître, et la guerre civile semble couver au sein de tant d'horreur. Une guerre manifeste éclate déjà entre les états-majors et la société populaire. Une justice doit être rendue à Carrier, c’est qu'il a dans un temps écrasé le négociantisme, tonné avec force contre l'esprit mercantile aristocratique et fédéraliste, mais depuis il a mis la terreur à l’ordre du jour contre les patriotes eux-mêmes dont il a paru prendre à tâche de se faire craindre. Il s’est très mal entouré. Il a payé par des places les bassesses de quelques courtisans et il a rebuté les républicains, rejeté leurs avis, comprimé les élans du patriotisme. Il a par un acte inouï, fermé pendant trois jours les séances d’une société montagnarde. Il a chargé un secrétaire insolent de recevoir les députations de la société populaire. Enfin il a fait arrêter de nuit, comparaître devant lui et maltraiter de coups en les menaçant de la mort ceux qui se plaignaient qu'il y eût un intermédiaire entre le représentant du peuple et le club, organe du peuple, ou qui dans l’énergique élan