Une mission en Vendée, 1793

UNE MISSION EN VENDÉE, 1193. 275

tif autant qu'instruit dans sa partie. Les préjugés religieux avaient bien été détruits par vos collègues Laiguelot et Lequinio, et, sous le rapport de la destruction du fanatisme, Rochefort était à la hauteur de la Révolution et même avait devancé la France; mais telle est l'influence du climat que dans une atmosphère lourde, épaisse et grossière les habitants étaient eux-mêmes lourds, apathiques, glacés. Rochefort est une colonie composée d'hommes presque tous nés sur un autre sol, qui presque tous n'habitent celui-ci que momentanément el pour y remplir les devoirs de leurs emplois respectifs. Ces emplois forment une chaîne continue qui rompt l'égalité par la gradation des inférieurs et supérieurs, tous dépendant les uns des autres. L’assujettissement qui en résulte fait qu’il y a peu d'union, que chacun reste isolé et que, faute de ces communications entre patriotes qui ont l'effet de l’électricité, l'esprit public est mort. Une autre cause qui le tue, c’est que tous les citoyens étant étrangers les uns aux autres, ne se connaissant que depuis peu, n'étant point destinés à vivre toujours ni même longtemps ensemble, il n'y a point cette confiance, cette liaison mutuelle qui fait la force de l'opinion et l'existence de l'esprit public. A cela se joint, comme je l'ai dit, la pesanteur de l'air qu'on respire sur le bord de la Charente. Il fallait arracher leur esprit à son assiette, leur donner une forte secousse et révolutionner la contrée.

« Je vais me rendre à Bordeaux, où des efforts non moins pénibles seront plus nécessaires encore pour régénérer l'esprit public, les immenses travaux de vos collègues Ysabeau et Tallien ne leur ayant pas permis de faire à cet égard tout ce qu'ils auraient eux-mêmes désiré. »