Vergniaud : 1753-1793
2 62 main des conquérants, le grand jeu de la guillotine peut commencer (1).
On s’est étonné que la grande voix de Vergniaud ne se soit pas fait entendre le 2 juin, et que, joignant ses efforts à ceux de l’illustre député d’Ille-et-Vilaine, il n'ait pas tenté de ressaisir une dernière fois la majorité. Il était absent, et écrivit au Président cette noble et touchante lettre : «Je sortis hier de l’Assemblée entre une et deux heures. Il n’y avait alors aucune apparence de trouble autour de la Convention. Bientôt on vint me dire, dans une maison où J'étais avec quelques collègues, que les citoyens des tribunes s'étaient emparés des passages qui conduisent à la salle de nos séances, et que là ils arrêtaient les représentants du peuple, dont les noms se trouvent sur la liste de proscription dressée par la commune de Paris. Toujours prêt à obéir à la loi, je ne crus pas devoir m’exposer à des violences qu'il n’est plus en mon pouvoir de réprimer. J’ai appris, cette nuit, qu'un décret me mettait en état d'arrestation chez moi, je me soumets...…. Puisse la violence qui m'est faite n'être fatale qu’à moi-même; puisse le peuple dont on parle si souvent, et qu'on sert si mal, le peuple qu’on m'accuse de ne pas aimer, lorsqu'il n’est aucune de mes opinions qui ne renferme un hommage à sa souveraineté et un vœu pour son bonheur, puisse, dis-je, le peuple n'avoir pas à souffrir d'un mouvement auquel viennent de se livrer mes persécuteurs. Puissent-ils eux-mêmes sauver la patrie. Je leur pardonnerai de grand cœur, et le mal qu’ils m'ont fait et le mal plus grand peut-être qu’ils ont voulu me faire. »
(1) Taxe, Les origines de la France contemporaine, L. Il.