Catherine II et la Révolution française d'après de nouveaux documents

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matique, ne pouvaient qu'irrier la souveraine et lui faire perdre patience. 11 faut dire aussi qu'elle trouva Sénacde Meilhan maniéréetsa conversation sans charme, chose grave pour Catherine II qui avait reçu Diderot et Grimm, et avait correspondu avec Voltaire. Comme le dit M. L. Pingaud, Catherine découvrit en Sénac de Meilban «un pédant dangereux et un mauvais plaisant. »

Enfin de Meilhan ne se rendait aucun compte des difficultés de l’histoire de la Russie pour laquelle il avait fait le voyage de Pétersbourg, et il ne jetait sur son entreprise qu'un œil distrait et ennuyé. Or, cette histoire de son règne ne souriait d’abord que médiocrement à Catherine qui y voyait un monument officiel sans écho dansle pays ; se reportanten effet par la pensée cinquante ou cent ans en avant, elle se demandait quel serait le moujik du dix-neuxième siècle qui apprécierait une histoire écrite par un étranger ne connaissant ni les traditions ni les mœurs nationales. A cette histoire, elle préférait des réformes praliques. Un jour, se disait-elle, sortira des rangs du peuple russe un homme, qui émerveillé des institutions dont j'ai doté mon pays et reconnaissant des progrès accomplis, écrira proprio molu l'histoire de mon règne. Un tel monument élevé à ma mémoire, continuait-elle, émanant du peuple russe, aura une portée autrement retentissante, et ma gloire à travers les siècles n’en sera que plus prolongée et plus indiscutée. Après bien des hésitations enfin, elle s'était rendue aux idées de Sénac de Meilhan, mais elle eut voulu,du moins,que cette histoire de son règne obtintun retentissement qui consacrât définitivement sa gloire.