Catherine II et la Révolution française d'après de nouveaux documents

NECKÈR, MIRABEAU, SÉNAC DE MEILHAN 353

Or, elle ne trouva à Sénac de Meilhan ni l’étoffe ni l’autorité pour imposer son jugement à l’Europe.

De plus, Catherine, avons-nous dit, après avoir attiré dans les débuts de son règne, alors qu’elle avait besoin de leur appui, philosophes et artistes, s'attacha dès les débuts de la Révolution française à éloigner les étrangers, et notamment les Français imbu; des idées nouvelles. « Tous vos désœuvrés viennent chez nous,» écritelle à Grimm. En 1791, en effet, Pétersbourg était assiégé par une colonie de Français qui ne cherchaient point, il est vrai, à imposer leurs idées et leurs mœurs, mais qui faisaient souvent parler d’eux ; et Catherine dut se préoccuper d’un envahissement qui eùt pu dans quelque mesure déformer l'esprit national russe. Catherine n’avait jamais aimé le caractère français ; elle se méfiait aussi de nos compatriotes, qui sous prétexte du mouvement révolutionnaire, fuyaient la France pour venir chercher honneurs et grades à l'étranger. Si elle accorda au comte de Damas, au duc de Richelieu, à Langeron, au marquis de Lambert et à quelques autres, l’autorisation de servir dans ses armées, ce ne fut que par faveurs spéciales.

D'ailleurs, nous savons qu’en 1791 Catherine s’élevait avec la dernière violence contre la Révolution, et commençait à en redouter les conséquences. A cet égard encore, Sénac de Meilhan, bien que se disant grand partisan de Louis XVI, fut loin de calmer ses défiances. L’absolutisme russe ne comprenait rien aux fictions de la royauté parlementaire. La Tsarine sentit presque en Sénac de Meilhan, le démagogue ; du moins elle crut