Charles de Butré 1724-1805 : un physiocrate tourangeau en Alsace et dans le margraviat de Bade : d'après ses papiers inedits avec de nombreux extraits de sa correspondence...

—— 159.—

ont aidé les maçons deux jours et les autres, par intervalles, ont aplani le jardin.» Puis le journal s’arrête brusquement. Pourquoi ? Evidemment, Butré quittait Ettlingen, et le margraviat, et il le quittait au moment précis où la grande partie de la première invasion allait se jouer dans les plaines de la Champagne. Plus tard, soit confusion dans ses souvenirs, soit calcul, il affirmait avoir fait son voyage à Paris, dès le mois de juillet, c’est-à-dire avant la déclaration de guerre des alliés. Mais son propre journal, écrit de sa main, est là pour le convaincre d'erreur. Il ne peut être parti d’Ettlingen avant la date marquée plus haut. Maintenant quels furent les motifs de son départ? On peut être là-dessus d’un avis différent. Butré lui-même rappellera plus tard dans une supplique officielle,? adressée au gouvernement, auquel il était facile de contrôler ses dires, qu’il est parti avec un passe-port badois pour quérir une nouvelle et dernière collection d'arbres fruitiers, afin de parachever le verger modèle du margrave. Cela n’empêche pas les motifs subsidiaires, par exemple, le désir de faire constater sa présence en France, afin de ne pas tomber sous le coup de la loi contre les émigrés. Butré possédait encore certainement à cette époque ses propriétés de Touraine et ne se souciait pas, à coup sûr, de les voir confisquer au profit de la nation. Quant au sentiment d'indignation

! « J'avais tout repassé et raccommodé au commencement de juillet, que je suis parti et je commençais le palissage pour les pêches. On n’a pas voulu que je fisse renouveler mon passe-port pour retourner le faire.» Lettre de décembre 1797.

* Au printemps de 1803.

# Cela ressort pour nous de l’état de fortune de M, de Butré, que nous connaissons exactement pour 1791, grâce à un aperçu de ses dépenses, dont nous épargnerons le détail au lecteur, mais qui se résume par un revenu de 3048 livres, 5 sols. C'était une «honnête aisance » pour l’époque, et la majeure partie de cette somme devait lui venir de ses propriétés en France, puisque le margrave ne payait plus même, en 1792, les terrassiers et les maçons.