Charles de Butré 1724-1805 : un physiocrate tourangeau en Alsace et dans le margraviat de Bade : d'après ses papiers inedits avec de nombreux extraits de sa correspondence...

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patriotique qui aurait pu l’animer en présence de la patrie envahie par les armées alliées ou bien à la lecture du manifeste de Brunswick, il nous semble bien difcile de le faire entrer en ligne de compte, après lecture de la lettre à M. d'Edelsheim, que nous citions tout à l'heure.

Nous sommes persuadé que M. de Butré ne songeait pas alors à s'éloigner pour longtemps du margraviat. Il y laissait tout son avoir, son mobilier, ses livres, ses papiers; il avait soldé son loyer de Carlsruhe jusqu’à la fin d'octobre.’ Ce qui est plus décisif encore, c’est qu’il avait mis près de deux mille livres de son propre argent dans les travaux de maçonnerie et de terrassement exécutés à Ettlingen, dans le cours de l’été, et certes il n'aurait pas agi de la sorte, comme il le fera remarquer plus tard lui-même, s’il n'avait espéré y finir tranquillement ses jours à l'ombre des milliers d'arbres qu’il y avait plantés.? S'il n’est pas revenu, c’est qu’il trouva d’abord la capitale et ses environs dans un état d’effervescence aiguë, qui rendait la sortie de tout ci-devant doublement dangereuse, surtout quand il venait d’un pays d’émigration; c’est ensuite que le gouvernement badois, inquiet, soupçonneux, peut-être aussi poussé par quelque ennemi personnel, crut tout à coup découvrir dans cet horticulteur inoffensif un agent secret des Jacobins de Paris et lui fit défendre de revenir, pour le moment du moins, au-delà du Rhin.*

1 I] n'avait pas payé par contre son abonnement au Carlsruher Wochenblatt pour 1789 et 1790, que l'éditeur Macklot lui réclamait à cor et à cris.

2 Pétition, déjà citée, de 1808.

5 « Les événements l’ont empêché et surtout lui ayant été mandé par M. le baron d’Edelsheim de ne pas retourner, à cause des suppositions absolument fausses, à lui imputées, auxquelles il est certainement incapable d’avoir jamais pensé. » Ibid.