Charles de Butré 1724-1805 : un physiocrate tourangeau en Alsace et dans le margraviat de Bade : d'après ses papiers inedits avec de nombreux extraits de sa correspondence...

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encore vacantes. C’est ce qui expliquerait aussi que le gouvernement, las d'attendre, ait considérablement baissé le prix de vente. Une seule chose étonne, c’est que Butré soit allé choisir, pour y créer des plantations nouvelles, un village au climat froid, presque au cœur des Vosges, peu fait pour abriter un vieillard frileux comme lui, et pour protéger la floraison de ses pêchers et de ses cerisiers hâtifs. ;

Au premier moment le nouveau propriétaire fut tout à la joie de prendre possession de son petit domaine. Nous l’y voyons passer presque tout l'automne de 1797 et c’est à la fin de novembre seulement qu'il se décide à regagner Strasbourg. Mais, dès le 9 janvier 1798, il retourne dans sa vallée, pour conduire lui-même à Haslach un envoi d'arbres que venait de lui expédier son fidèle correspondant, Cretté dit Pierrette, le jardinier de Vitry. Il y retourne en mars, en avril, et après son voyage d'Allemagne, à la fin de juillet, taillant, greffant, émondant à plaisir. À la Saint-Michel, il s’y établit avec une servante, à laquelle il achète un rouet, pour occuper ses soirées, et qui ne lui coûte pas moins de 44 livres 15 sols pour ses nippes ’. On devine qu’il est content d’être chez soi et que, malgré son vif désir de retourner à Ettlingen, il se résignerait à vivre en solitaire dans les Vosges et à y poursuivre la mission qu’il s’est donnée : détourner les hommes de « l’animalité », en leur procurant des sources de revenus nouvelles et des jouissances plus délicates.

Quand enfin les froidures de l’hiver forcent Butré à revenir à Strasbourg, c’est avec la satisfaction du sage qu’il vient reprendre possession de ses pénates urbains, au milieu des grands jardins achetés par Fritz, derrière l’ancien couvent des Grands-Capucins. C’est un sentiment de bien-être, assez rare chez lui, que respire la lettre adressée en décembre 1798

1.Tous ces détails sont empruntés à son cahier de dépenses pour 1798.