Charles de Butré 1724-1805 : un physiocrate tourangeau en Alsace et dans le margraviat de Bade : d'après ses papiers inedits avec de nombreux extraits de sa correspondence...

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à un ami, que nous croyons être M. Savalette de Lange ', déjà nommé plus haut. Si jamais Butré sembla content de son sort, c’est au moment où, sous le toit du vieux Fritz, il rédigeait les lignes suivantes :

« Pourrai-je enfin, cher paresseux, vous engager à me donner un petit mot de votre souvenir? Voyant que je ne recevais aucune réponse aux trois dernières lettres que je vous ai écrites, je me suis adressé, pour avoir quelque nouvelle de votre existence, aux deux dames de votre maison, sous lesquelles vous vous êtes mis en tutelle... Enfin j'ai reçu une réponse de M Hatry qui, je ne sais pourquoi, ne m’étant parvenue qu'à un mois de date, me fit écrire à la digne personne dont vous ne méritez pas de baïser très respectueusement les pieds, et je n’ai pas eu l'avantage d’en avoir un petit mot.

« Décembre étant le temps du repos, j'ai quitté les montagnes qui commençaient à se couvrir de neige et suis venu dans mon hermitage de Strasbourg, au milieu de six jardins

-qui font mon unique société. J'habite une loge de francsmaçons qui me paraît très ancienne. C’est une galerie plus longue que votre salon, mais pas si haute, ni si large, à l'entrée de laquelle est une autre galerie en treiïllage, qui conduit à un salon, aussi en treillage, dont les deux plafonds sont semés d'étoiles d’or avec des roses et soleils en or au milieu, où sont des crampons pour mettre des lustres, qui sans doute éclairaient autrefois la loge et les dites galeries. Quelques devises et décorations singulières annoncent la vétusté du total. Ce qui me rend cet endroit précieux, c’est qu'il est le seul lieu où j'ai pu conserver quelque chose.

« Partout ailleurs j'ai été volé, dépouillé, et sans cette

1 D'abord il y est question de Mr* Hatry, chez laquelle Butré logeait avec M. de Lange, puis il y a les allusions à la franc-maçonnerie, dont les mystères avaient été autrefois discutés entre eux ; voy. p. 88,