Charles de Butré 1724-1805 : un physiocrate tourangeau en Alsace et dans le margraviat de Bade : d'après ses papiers inedits avec de nombreux extraits de sa correspondence...

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retraite, il ne me resterait plus rien que les six mauvaises chemises avec quoi je suis arrivé et deux vieilles redingotes. J'ai cette obligation à mon hôte, un bon Allemand, charpentier de son état, qui à eu un si saint respect pour ma propriété, et qui, pour me la conserver, n’a jamais déclaré ma demeure, qui à été complètement ignorée. Aussi, tant que je vivrai, je la conserverai et ne quitterai point la demeure d’un si digne homme, à qui j'ai tant d'obligations.

« Jugez, si on était venu inquisitorier là, comme on a fait dans toute la ville! Outre des choses précieuses à mon usage, j'ai des manuscrits de ma main pour lire six mois, des correspondances avec les principaux savants de l’Europe, des princes et princesses, leurs premiers ministres. Il y a deux cents lettres du marquis de Mirabeau, pendant trente ans. J'ai trouvé des lettres de Necker et de son facteur Dufresne, de Calonne, de l’abbé Terrai même, car je tâtais tous ces faiseurs de finances.

« Il y en a beaucoup aussi de Bailly, le malheureux premier maire de Paris, avec qui j'ai été longtemps en correspondance et que j'avais enfin laissé parce que, malgré les trois académies, dont il se qualifiait toujours, il était par trop borné et il faut l'être rudement pour aller se fourrer dans le gâchis d'une révolution. Pour moi je l’avais abandonné aussitôt après son rapport sur le magnétisme animal, qui est la dernière des platitudes. !

« À propos de magnétisme, je trouve dans mes manuscrits une lettre du marquis de Thomé sur ce sujet, publiée dans le Journal encyclopédique de septembre 1785, où il parle avec tant d'avantage des ouvrages de Swedenborg sur cette pro-

! On peut juger par cette énumération combien nous avons perdu, grâce à l’incurie des héritiers de Butré, qui laissèrent pourrir ces manuscrits précieux, dont nous exploitons ici les faibles débris, sans se douter probablement de leur existence.