Charles de Butré 1724-1805 : un physiocrate tourangeau en Alsace et dans le margraviat de Bade : d'après ses papiers inedits avec de nombreux extraits de sa correspondence...

XIII

L'année 1801 marque une nouvelle période, la dernière étape, si je puis m’exprimer ainsi, dans la carrière déjà si longue, du solitaire de Haslach. D’une part son organisme, dont il était fier jusqu'ici, se détériore avec une rapidité qui l’effraie, de l’autre, sa situation de fortune, relativement satisfaisante jusqu'ici, bien que modeste, devient critique, soit qu’il ait été volé par son entourage, soit qu'il se soit laissé aller à dépenser, pour ses travaux horticoles, plus d'argent qu'il n’en pouvait consacrer à ces utiles distractions . Avec sa santé qui se délabre, son âme s’assombrit, son existence devient de plus. en plus solitaire et ce n’est pas sans un serrement de cœur que l’on suit le vieux gentilhomme à travers les quatre dernières années de son existence accidentée.

Haslach, auquel il s'était tant intéressé d’abord, commence à l’'ennuyer; il est permis de croire que les natifs de l'endroit, comme plus tard ceux de Molsheim, voyaient de mauvais œil cet original, économe de ses deniers, hostile au catholicisme et prêchant d'exemple la désobéissance, par un travail quotidiennement poursuivi sans doute, malgré toutes les fêtes de l'Église. On avait commencé par le voler; on semble avoir poussé plus loin la malveillance,” car à partir du mois de

1 I1 semble y avoir eu véritablement une imprudence sénile dans la satisfaction de ses goûts préférés. En avril 1801 il achetait à Cretté 300 pommiers, 90 pêchers, etc., l’année suivante 214 pommiers; ces envois n'étaient point encore payés, malgré de fréquentes réclamations, deux ans plus tard.

? On lira plus loin une lettre de Butré qui marque toute sa haine contre les «coquins» de Haslach. Les éloges que leur donne l’abbé Gratrio dans son livre déjà cité, montrent en tout cas qu'ils devaient être peu tolérants pour des libre-penseurs comme lui.