Charles de Butré 1724-1805 : un physiocrate tourangeau en Alsace et dans le margraviat de Bade : d'après ses papiers inedits avec de nombreux extraits de sa correspondence...

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aurait été ravi de posséder une correspondante, marivaudant avec tant d'agrément dans le goût philosophique du jour. Mais il est malade, irrité, maussade, et oubliant déjà tout ce qu’il lui écrivait, il y à peu de semaines, voici comme il rabroue son aimable interlocutrice:

«.... Votre chocolat est meilleur que le mien, quoique passablement bon; je le prends chez Hecht, l’apothicaire, qui n’y met du moins aucun mélange altérable. Puisque votre acquéreur ne peut se déplacer avant le printemps, nous avons le temps de faire bien des réflexions morales. Je suis, je crois, moins en état que lui de me déplacer, car je n’ai pas la force d'aller jusqu’au bout de notre ville, qui n’est pas bien grande, et si je suis ici, ce n’est certes pas l'enthousiasme ni la belle situation qui m'y ont porté; c’est un pur hasard, plus heureux que prévu, car à la St-Michel je n’en avais nulle idée. Ce n’est que le 25 octobre que j’en ai eu la permission et à la Toussaint j'y suis venu habiter. Les rayons bienfaisants du soleil dont vous me félicitez, ne viennent guère me visiter dans cette vallée d'Alsace, humide et nébuleuse; à peine le vois-je une fois par semaine et tous les jours y sont obscurs et sombres. Du moins les aquilons ne peuvent y pénétrer, comme dans ma mauvaise demeure de Strasbourg. J'ai cherché vainement tout l'été une autre demeure, ma misère et mon état de langueur m'ôtant les moyens d’aller jouir dans la Provence et le Languedoc, et surtout l'Espagne, encore plus agréable, de toutes les productions que nous n’avons ici qu’au solstice d'été, et surtout de cet air doux et balsamique, qui permet de respirer à son aise. Au lieu de cela je vivote ici, renfermé comme un escargot dans sa coque. Ma maison de Haslach me fournit toutes sortes de légumes d'hiver et surtout ma provision de bois, ce qui me tient chaudement dans mon réduit, où je suis content de rester et je ne ressens un peu de vie que lorsque j'ai le plaisir de m’entretenir avec vous. Car je n'ai point avantage dont vous me félicitez, d’avoir ici aucune connais-