Correspondance de Thomas Lindet pendant la Constituante et la Législative (1789-1792)
LÉGISLATIVE (10 AOUT 1792) 363
et les terreurs paniques des administrateurs ont suffi pour diriger les opérations.
CCXXX. — Au même. Evreux, le ro août 1702.
Mon frère, l’absolution de La Fayette est un acte de faiblesse qui annonce que l’Assemblée nationale ne peut pas entreprendre de prononcer la déchéance (1). Elle a trop longtemps favorisé et augmenté la fluctuation des opinions, pour pouvoir réunir toute la nation autour d’elle. Nos armées vont toujours être commandées par des chefs suspects. Comment pourrait-on combiner des opérations certaines et vigoureuses?
Déjà, fort de la faiblesse de l’Assemblée, lepouvoir exéeutif fait une nouvelle proclamation : c'est un manifeste contre l’Assemblée. Les troupes ennemies avancent sur Landau. Ceux qui ont fortement énoncé leur vœu pour la déchéance céderont-ils aisément? La guerre civile est bien près de nous. L'Assemblée nationalese serait épargné bien des dangers si elle eût plus vigoureusement attaqué les ministres anti-constitutionnels et les agents perfdes. Paris peut s'organiser en un moment, mais cet état violent ne pourrait subsister. L'Assemblée nationale peut seule lier toutes les parties de la France. L’effervescence populaire attaquera ou menacera quelques députés trop violemment haïs ou notés. Il serait fâcheux qu'on se portât à des extrémités qui fissent craindre pour la liberté des opinions. En vérité, je crois que l’Assemblée n’est pas assez forte pour réussir à détruire son antagoniste ; et l'opinion publique n’est pas assez prononcée, ou elle est trop divisée.
J'habite le séjour des soupirants pour le retour de la splendeur de la royauté.
(1) Le Comité des Douze proposa, le 8 août, la mise en accusation de La Fayette, par l'organe de Jean De Bry : elle fut rejetée à une majorité de 406 voix contre 224. Moniteur, XIII, 358, 362 et suiv. Î