Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)

10 GORRESPONDANCE DE LA FAYETTE

patrie, la position de l'ennemi et la révolution suscitée par ses propres efforts. Obsédé de la seule impression présente, il sent alors qu'il a perdu la faveur du peuple, que la garde nationale n’est plus entre ses mains, que l’Assemblée le décrète d'acceusation, que tout ce dont il a vécu et joui lui manque subitement; il n’est plus qu'un impulsif qui fuit sous son rêve. Sa vie politique et militaire est finie. Désormais il passera les quarante-deux ans qui lui restent à vivre, à souffrir de cette chute, à la commenter, à la justifier, à en subir la répercussion dans toutes ses démarches et toutes ses désillusions, mais aussi à s’en faire un titre auprès de la classe d'hommes dont il fut longtemps et reste peut-être encore le héros.

Ain de circonscrire notre travail, rappelons quelques données élémentaires de l'observation auxquelles nous ferons appel pour comprendre l'intimité de l’homme et le jeu des éléments dont se compose sa nature spéciale.

Tout état de conscience tend à se traduire par un acte organique où psychique. La passion, premier état de conscience intense, a des manifestations complexes. D'abord c’est la représentation d'un état autre que celui où est le sujet, et le sentiment de cette différence porte sur un bien où un mal plus vif : dans l’état conçu que dans l’état actuel; puis tout l'être du sujet s’ébranle en quelque sorte pour se modifier en raison de cette différence. Tantôt il tend à changer l’état initial pour l’état envisagé comme final, à s'identifier d'autant plus énergiquement avec celui-ci qu'il est senti comme meilleur, comportant plus de bien, c’est-à-dire, pour un être élémentaire, plus de plaisir. Cette première forme de la tendance