Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)
GORRESPONDANCE INÉDITE 373
Sénat de Hambourg; que M. Dolomieu', pris par les Anglais, est livré aux Russes. On menace de l’'envahissement de la Hollande. Je vois M. La Fayette entre l’échafaud, la Sibérie ou sa rentrée en France. Je lui mande que je crois ce dernier parti préférable, et j'ai voulu vous en prévenir, afin que s'il prend cette détermination dans une pareille extrémité, vous n’y puissiez donner aucun autre motif que le sentiment de confiance dans son pays qui lui ferait préférer ce danger aux autres.
SiEvÈs. — On vous a trompée, Madame, si l'on vous a dit que j'étais l'ennemi de La Fayette.
Me pe La Fayerre. — Je ne le pense pas. La preuve en est que je m'adresse à vous.
SiEvÈs. — Je désire très sincèrement son retour ici, et celui de tous les patriotes de 89. Mais je crois qu'il serait dangereux pour lui de rentrer en France. Nous avons des lois dont nous ne pouvons nous écarter.
Mme pe La FAyETTE. — Je ne vous demande rien, Monsieur, je viens seulement pour vous déclarer qu'entre tous les dangers, celui-là me paraît préférable. s’efforcèrent d’arracher leur île au despotisme anglais. En 1797, ils avaient obtenu le concours de la France, et Hoche avait commandé une descente en Angleterre. En juin 1798, le général Humbert y avait aussi échoué, En août 1798, Napper Tandy, à la tête de quelques troupes françaises, débarqua en Irlande sur la côte ouest de Donegal. Obligé de fuir, il fut arrêté à Hambourg en mai 1799, sur les réclamations de l'Angleterre. Emprisonné à Dublin, il n’en sortit qu’en 1802, à la requête de la France.
1. Le géologue Dolomieu, né en Dauphiné (1750-1801), avait été emmené par Bonaparte en Égypte en 1798, et forcé par sa mauvaise santé de revenir en France en 1799. Il fut reconnu à Naples, dont la cour avait reçu en triomphe Nelson après la bataille d'Aboukir. Dolomieu, livré aux Anglais, fut emprisonné vingt un mois, pendant lesquels il écrivit son Mémoire sur l'espèce minérale. Naples était entrée avec fureur dans la seconde coa-
lition contre la France, formée à la fin de 1798 par la Russie, l'Autriche et l'Angleterre,