Du role des légistes dans la Révolution : discours prononcé à l'audience solennelle de rentrée la 3 novembre 1880

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droit d'ainesse. L’exclusion des filles existait dans les coutumes de plusieurs provinces; le préciput noble marquait les biens nobles d’un privilége aristocratique, au moment de leur transmission héréditaire.

Cet esprit aristocratique avait même gagné les familles bourgeoises et, bien que l'égalité des partages eut permis au Tiers-État de grandir en richesse et en influence, on distinguait cependant les successions des propres et les successions des acquêts ; dans plusieurs cas, les premières imitaient les successions des fiefs. En ligne collatéralle même, ce n'étaient point les liens de parenté qui déterminaient la dévolution successorale, mais plutôt la qualité des biens et leur constitution foncière.

La lettre et l'esprit des coutumes, tout a été détruit par l’Assemblée constituante et le droit d’ainesse, dont le docteur Johnson disait ironiquement en Angleterre « qu’il ne fait qu'un sot par famille » à fait place au grand et démocratique principe de l'égalité dans les partages. « Cette loi, qui contenait et le principe essentiel de la « Révolution et la division des propriétés, fondait la « constitution réelle de la famille future; elle avait puis« sance d'action sur le passé et sur l'avenir; elle devait « détruire, sans secousse et sans rétroactivité, la base « territoriale dela société antique » (1).

La résolution de l'Assemblée constituante est due à Mirabeau. Il ne put prononcer lui-même son discours. La mort avait glacé ses lèvres, et l’évêque d’Autun, M. de Talleyrand-Périgord à qui, quelques instants avant de mourir, il remit son manuscrit, en donna lecture à l’Assemblée, dans la séance du 2 avril 1791.

(l) Laferrière, — Essai sur l'histoire du droit français. T. ?, p. 177).