Éloge de Vergniaud : discours de rentrée prononcé à l'ouverture des conférences de l'ordre des avocats de Bordeaux, le 4 janvier 1875

ŒUAS —

mémoire, pourvu que la France soit libre ! Périssent l’Assemblée Nationale et sa mémoire, si, à ce prix, elle épargne un crime qui imprimerait une tache au nom français ! Périssent l’Assemblée Nationale et sa mémoire, si sa vigueur apprend aux nations de l’Europe que, malgré les calomnies dont on cherche à flétrir la France, il est encore, et au sein même de l'anarchie momentanée où des brigands nous ont plongés, il est encore dans notre patrie quelques vertus publiques, et qu'on y respecte l'humanité ! Périssent l’Assemblée Nationale et sa mémoire, si sur nos cendres nos successeurs, plus heureux, peuvent établir l'édifice d’une Constitution qui assure le bonheur dela France, etconsolide le règne de la liberté et del’égalité ! Périssent l Assemblée Nationale et sa mémoire, et que la patrie soit sauvée ! (1) »

Mais l'Assemblée, à qui Vergniaud demandait de décrèter la responsabilité des massacreurs de l'Hôtel-de- Ville, ne sut qu'applaudir ces nobles paroles ; et, le 21 septembre, elle se retirait, laissant derrière elle la Commune, et cédant la place à la Convention.

Un an à peine s’est écoulé depuis l'entrée de Vergniaud dans la vie publique; et déjà le travail, les luttes de la tribune l’ont presque brisé ! Si la politique a eu pour Jui ses illusions et ses charmes, l'heure du désenchantement est vite venue. Mais, où il n’a d’abord vu peut-être que de faciles couronnes à gagner, il voit maintenant d'austères devoirs à remplir. Élu premier député de la Gironde à la Convention, « l’épuisement de ses forces morales lui rend cettenomination aussi pénible que flatteuse. — Si les temps eussent été calmes, écrit-il, si l’horizon de Paris ne paraissait pas encore chargé d'orages, s’il n’y avait eu aucun danger à courir en restant, si je n'avais pas cru que je pourrais être utile pour lutter contre quelques scélérats

{1) Séance du 17 septembre 1792. (Moniteur du 19.)