Éloge de Vergniaud : discours de rentrée prononcé à l'ouverture des conférences de l'ordre des avocats de Bordeaux, le 4 janvier 1875

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vit Marat, à la tribune, « élever sa tête audacieuse audessus des lois (1), » lorsqu'il l'entendit « rappeler ses

n'appela aristocrate. Dans les commissions, mes amis et moi, NOUS NOUS OCcupions nuit et jour des moyens de réprimer l'anarchie et de chasser les Prussiens du territoire. On nous menacait nuit et jour du glaive des assasSins. La Convention s’ouvrit. Il était facile de prévoir que, si elle gardait dans son sein les hommes de Septembre, elle serait agitée de perpétuels orages. Je l'annonçai. Ma dénonciation ne produisit aucun effet. Jamais je n'ai ressenti la moindre émotion des misérables clameurs élevées contre moi: néanmoins je me dis à moi-même : « Peut-être ces hommes qui accusent sans cesse la » prétendue faction de la Gironde, qui depuis le 10 août provoquent contre » nous les poignards, ne sont-ils tourmentés que par l'ambition de paraître » Sans cesse à la tribune; peut-être qu’ils auront le talent et le bonheur d'y » servir la chose publique mieux que nous. N’empêchons pas par orgueil le » bien qu'ils pourraient faire. Ah ! que désirons-nous autre chose que de ser» vir notre malheureuse patrie ? » Alors je me voue au silence et me renferme dans les travaux des comités. Une autre raison me tient dans le silence, Dans le choc des passions personnelles, qui peut répondre qu'il sera toujours maître des mouvements de son âme ? Tôt ou tard en paye tribut à la faiblesse humaine, et nous devons compte à la République de tous nos écarts. Eh bien! que font ces éternels diffamateurs ? Ils redoublent de fureur pour calomnier, dans la Convention, dans les armées, dans toutes les places importantes, les hommes qui ont été utiles à la République. Ils accusent tout l'univers d'intrigues, pour que l'attention se détourne ainsi de leurs propres complots. Qui n’applaudit pas aux massacres est un aristocrate pour eux. Qui les applaudit est vertueux. Ils nous pressent de prononcer d’acclamation sur le sort de Louis XVI, sans formes, sans preuves, sans jugement. Is font circuler d’infàmes libelles contre la Convention, des panégyriques ridicules du duc d'Orléans. [ls provoquent dans les sections de nouvelles insurrections du 10 août. Ils prônent des lois agraires. Les tueurs du 2 septembre, associés à des prètres se disant patriotes, méditent et affichent des listes de proscription. Is parlent hautement de se donner un chef, et à la République un maître, Le zèle de pareils hommes à demander la mort de Louis me parait, je l'avoue, suspect. Ils veulent, par la précipitation d’un jugement qui ressemblerait à leurs violences, nous faire légaliser les assassinats de l'Abbaye.»

La fin de la lettre est pleine d’une tristesse mêlée d'espérance. Le cœur se serre, quand on songe, en lisant ces lignes, aux événements qui vont suivre : ‘ Je vous écris rarement. Pardonnez-moi. Ma tête est souvent remplie de pensées pénibles, et mon cœur de sentiments douloureux. À peine me restet-il quelquefois assez de force morale pour remplir mes devoirs. Votre pensée est ma consolation. Étranger, vous le savez, à toute espèce d'ambition, n'ayant ni les prétentions de la fortune ni celles de la gloire, je ne forme pour moi qu’un seul désir, c’est de pouvoir un jour avec vous jouir dans la retraite du triomphe de la patrie et de la liberté ! »

(D Discours de Vergniaud, séance du 25 septembre 1792. (Moniteur du 27 septembre.)