Éloge de Vergniaud : discours de rentrée prononcé à l'ouverture des conférences de l'ordre des avocats de Bordeaux, le 4 janvier 1875

Le

plètes et substantielles, qui se peuvent comparer à celles de nos grands avocats. Tout trouvera sa place dans un cadre ainsi disposé; les broderies mêmes qui doivent orner ce canevas n'ont pas été négligées : çà et là sont jetées des phrases à effet, simples ébauches que la mémoire de l’orateur ou l'inspiration du moment achèvera ; puis quelques citations, quelques comparaisons empruntées à l'histoire ou à la mythologie (1), qui viendront à leur heure, et suivant les besoins du discours. Lui faut-il parler sans préparation ? il improvise avec une abondante facilité, avec une incomparable élégance ; ilmet, chose plus merveilleuse encore, le mème ordre, la même suite, dans le développement de sa pensée ; et, puisant des forces nouvelles dans la passion qui l’anime, c’est alors qu'il trouve ses plus heureux mouvements, et obtient ses plus beaux succès (2).

On a reproché à Vergniaud son indifférence et sa mollesse (3). M" Roland, « qui ne l’aime pas, » lui trouve « l'égoïsme de la philosophie (4). >» Philosophe, oui, certes,

voyait à l'imprimerie ces petites feuilles volantes, à mesure qu'il les avait écrites ; et, à peine avait-il achevé, que son travail se trouvait imprimé. » (Ibid.)

(4) L'histoire et la mythologie! .Vergniaud passe pour en avoir singulièrement abusé. On oublie, quand on lui adresse ce reproche, de tenir compte du goût de l'époque, et de cette passion désordonnée pour tout ce qui se rattachait au souvenir des républiques antiques. Au surplus, si l’on voulait se donner la peine, — et nous convenons que c’en serait une véritable, — de parcourir les discours grotesques de Legendre et de Lecointre, et les prétentieuses harangues de Robespierre, on reconnaïîtrait que, si Vergniaud a parfois sacrifié à l'esprit de son temps, il n’a usé des souvenirs classiques qu'avec goût et sobriété. (2) Le discours sur l'appel au peuple, notamment, et la réponse à Robespierre, ont été improvisés.

(5) M. Vatel défend fort heureusement Vergniaud du reproche de paresse. « Mirabeau a pris la parole cent cinquante fois en deux années de législature, Vergniaud cent trente fois en vingt mois de session. Mirabeau avait des secrétaires, Vergniaud était seul. Nous ne croyons pas que, dans nos Assemblées législatives, on trouve un athlète plus infatigable, un esprit plus laborieux et plus tenace, un champion plus ardent du bien public sous toutes ses formes. » (T. 1, xvi.)

(4\ Mém., p. 517.