Éloge de Vergniaud : discours de rentrée prononcé à l'ouverture des conférences de l'ordre des avocats de Bordeaux, le 4 janvier 1875

= Roue. rations enthousiastes, quelques haines, filles de celle de la Montagne, et implacables comme elle.

En l’an VIII, Napoléon, qui n'avait pas encore enveloppé dans un commun anathème les avocats et les idéologues, fit ériger, au Sénat, une statue au grand orateur (1). Ce n’était pas dans cette Assemblée servile, où prirent place, après avoir obtenu leur pardon à force de bassesses, tant de ceux que sa voix généreuse avait flétris, et d'où l'éloquence était bannie comme la liberté, que devait resplendir la fière et sereine image de V ergniaud. Un jour viendra peut-être, où l’on accordera enfin à l'illustre proscrit une réhabilitation plus digne de lui et plus douce à sa mémoire : notre ville alors n’oubliera pas qu'adopté par elle, son courage l'a défendue, comme son génie l'a honorée.

Pour nous, Messieurs, attendant avec patience, et non sans espoir, l'heure de l’apaisement, qui est celle de la justice, nous nous souviendrons toujours, avec une admiration mêlée de reconnaissance, avec un attendrissement mêlé d’orgueil, de celui qui fut notre confrère: nous nous efforcerons, quelle que soit notre destinée, de ne nous pas montrer trop indignes de lui; nous voudrons que son image chérie et vénérée revive, du moins, dans nos cœurs : nous voudrons qu'on retrouve dans notre conduite et.dans nos paroles, comme un lointain ressouvenir de ses actes.

(4) M. Vatel, chercheur toujours infatigable et toujours heureux, à retrouvé, en 4872, dans un chantier de constructions, la statue dont nous parlons, due au ciseau de Cartellier, et arrachée du Luxembourg par l’intolérance politique, qui n’épargne point les morts. Deux copies en ont été faites, l'une pour Limoges, l’autre pour Bordeaux; cette dernière se trouve aujourd'hui dans la salle d'entrée de notre Mairie. La statue elle-même, placée en un lieu plus digne d'elle, fait désormais partie de la collection de Versailles. Cartellier a représenté Vergniaud, agité la nuit par le sujet qu’il doit traiter le lendemain à la tribune, et se livrant au feu de son imagination : il est revêtu d'un simple manteau; près de lui est placé un bureau avec les œuvres de Démosthène, une lampe, et quelques papiers, où déjà il a tracé quelques lignes.