Essai sur les dernières années du régime corporatif à Genève : (1793-1798)

BOUT

aux périodes de prospérité, était relativement rare et partant bien payée: un bon horloger, vers 1786, gagnait jusqu'à 12 livres par jour’. La plusvalue de l'entrepreneur était donc relativement maigre — nous n'avons pas à envisager ici le profit commercial — et il n'avait donc pas grand avantage à monopoliser la production. Et l'aurait-il voulu, les moyens lui en auraient manqué: les classes régnantes à Genève avant la Révolution étaient des commerçants et des banquiers et. instinctivement, ceux-ci devaient préférer des maîtres d'état nombreux et peu armés pour la lutte, à des industriels puissants et disposés à leur disputer le pouvoir dans l'Etat en même temps que l'organisation du marché.

La rareté relative de bras, qui faisait que souvent deux maitres « courraient après un même ouvrier », provenait entre autres de la situation politico-religieuse de Genève. Cette cité était pratiquement interdite aux non-protestants, et même aux non-calvinistes. De grandes masses de calvinistes n’y venaient à la fois qu'aux époques des in temps ordinaire, enclavée

persécutions généralisées. au milieu des catholiques français et savoyards, et des réformés bernois, Genève ne pouvait en recevoir une main d'œuvre à vil prix, qui seule aurait donné la possibilité matérielle et morale d'une fermeture des corporations. Enfin. certain esprit démocratique, héritage d'autrefois et acquisition nouvelle, répandu particulièrement parmi la population horlogère — presqu’entièrement indigène — s'opposait à une organisation anti-lémocratique des corps de métier.

1 Cf. M. Faczer-Scaeurer. Le Travail à domicile dans l'horlogerie suisse et ses industries annexes. Berne, 1912, p. 224.