Essai sur les dernières années du régime corporatif à Genève : (1793-1798)

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Et une transformation qui ne pouvait s'effectuer dans l'industrie principale du pays. aurait encore bien moins pu aboutir de la part de maîtres d’état de moindre importance. Les maîtrises étaient donc restées relativement ouvertes, et l’ouvrier pouvait raisonnablement espérer d'arriver un jour à la tête d'une entreprise modeste mais indépendante. [1 n'était pas, comme le prolétaire moderne, voué à la quasi-certitude de ne jamais pouvoir escalader un échelon social supérieur — ce qui contribue si fort aujourd’hui à exaspérer les luttes économiques.

Si les ouvriers n'ont donc pas dû être systématiquement hostiles aux corporations de métiers, les maîtres d'état leur étaient franchement favorables. Elles étaient pour eux des garanties contre la concurrence étrangère et contre celle de collègues plus fortunés. L'opposition des consommateurs ne semble non plus s'être manifestée d'une manière tant soit peu intense. D'abord, parce que ie consommateur en tant que producteur en profitait; puis. parce que la bonne marche des affaires rendait peu sensible les inconvénients du système.

Enfin. les corporations remplissaient alors le rôle de caisses de secours et d'assurances contre les accidents. les maladies, etc.

Il ne faut pas croire, cependant. que tout se déroulait à Genève sans heurts et sans accrocs. Bien des personnes essayaient detourner les règlements, soit en introduisant du dehors des objets dont les maîtres d'état avait un monopole de fabrication si exclusif que l'importation de marchandises concurrentes était prohibée de par la