Étude historique et critique de l'impôt sur le sel en France : thèse pour le doctorat

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dans les greniers avec un art perfide, en agissant de manière à « enfler cette denrée, de sorte qu'on paraissait avoir le poids, parce qu’on avait la mesure, quoiqu'il n’en fût pas ainsi » (1). « Le sel tombait doucement sur le minot par une trémie dont la distance était calculée de manière qu'il se tassat le moins possible. Le peuple attendait la commodité des commis pour cette lente opération, par laquelle on parvenait à remplir avec 95 livres de sel le minot qui aurait dû en contenir un quintal » (2). Le Trosne rapporte qu'ayant eu un jour la curiosité de secouer un minot, il réussit à y faire baisser le niveau du sel de deux doigts (3).

Un procédé infaillible employé par la Ferme pour distinguer le faux sel d'avec le sel gabelé consistait à ajouter à ce dernier un produit étranger tellement fin, qu'il demeurait imperceptible aux yeux, si ce n’est pour ceux des gabelous. Non contente de voler sur le poids, la Ferme trompait encore sur la qualité.

Des 95 livres de sel que contenait le minot délivré par la Ferme, il fallait donc « défalquer trois livres de terre, de cailloux ou d’autres matières viles et insipides », telles que paille et herbes hachées, « que l’on vendait au prix du sel. De sorte que, si lon voulait dissoudre le sel pour le purifier au moyen d’une cristallisation nouvelle, on ne trouvait guère que 92 livres au minot ». Et encore ne pouvait-on se permettre cette téméraire opération sans

(4) Cahier du Tiers État de Mantes, A.P. T. Ill, p. 667. (2) Cahier du baillage de Nemours. À. P. T. IV, p. 135.

(3) Adininistration provinciale, p. 132.