Étude historique et critique de l'impôt sur le sel en France : thèse pour le doctorat

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titre de supplément de gages plus de sel qu'ils n’en pouvaient consommer; mais il leur était défendu, à peine de 500 livres d'amende, de vendre ou d'échanger leur excédent (art. 5, titre XIII, ord. 1680), ce qui les contraignait à jeter une denrée qui se vendait 12 sous la livre.

Les recensements étaient du reste fort mal faits, et de nombreux contribuables parvenaient à esquiver le devoir de gabelle. La lenteur des commis et l’éloignement des greniers faisaient souvent perdre plusieurs journées aux malheureux habitants de la campagne qui y venaient chercher leur provision (1). Le ressortissant qui manquait de sel devait attendre le jour d'ouverture du grenier: « deux sœurs, qui demeuraient à une lieue d’une ville où le grenier n’ouvrait que le samedi, firent bouillir, pour passer trois ou quatre jours jusqu'au samedi, un reste de saumure dont elles tirèrent quelques onces de sel. Visite et procès-verbal des commis. A force d’amis et de protection, il ne leur en coûta que 48 livres » (2). ,

Si au contraire le particulier n’a pas eu le temps de consommer sa provision de sel lorsqu’a lieu la nouvelle ouverture du grenier, le sel restant devenait du sel de contrebande et son propriétaire un fraudeur. La défense d'employer aux salaisons de chairs, beurres et fromages le sel de pot et salière était une source intarissable de contraventions: car, comment

(4) Tiers État de Châtellerault, A. P. T. I, p. 692. (2) Le Trosne, 0p. et, p. 188.