Étude historique et critique de l'impôt sur le sel en France : thèse pour le doctorat

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Le mode de perception qui consistait à affermer les droits ne faisait qu’augmenter la dureté de l'impôt, car le fermier, qui voulait recouvrer ses avances et ses frais, ne soumissionnait qu'avec l’espoir de réaliser quelque fortune scandaleuse, comme les Moisset, les Feydeau, les Choisy.

Tout ce cortège de formalités, la sévérité de la perception, les vexations mesquines avaient pour effet l'augmentation de la contrebande; la filtration imperceptible qui se faisait des pays francs dans les pays sujets portait à la ferme un préjudice considérable. Sous Louis XIV, la gabelle rendait près de 30 millions de livres: en 1787, par suite de l'élévation des droits manuels et des sous pour livre, elle coûtait au peuple 76.592.532 livres (1) ; mais le revenu net de l’Etat n’était guère que de 60 millions, car il fallait déduire de ce chiffre, d’abord 10 millions que coûtaient les frais de perception, puis environ

millions, qui étaient absorbés « par les vexations, les frais de justice et les accomodements publics ou clandestins ». Ce qui surtout soulevait l’indignation populaire, c’est que cette somme énorme n’était prélevée que sur les deux tiers de la population, comprenant 19 millions d'habitants, et formant la classe la plus pauvre, car on comptait de nombreux privilégiés dans la noblesse, le clergé et la magistrature. Au moment de la Révolution, le prix du sel était exorbitant; en pays de salines, le quintal valait

(41) Discours de Dupont de Nemours. Moniteur du 3 octobre 4790.