Étude sur les idées politiques de Mirabeau
LES IDÉES POLITIQUES DE MIRABEAU. 3
« C'est l'enfant perdu, l'enfant prodigue et sublime de sa racet. »
Pendant les premières années, il grandit et se développa presque sans culture. S’il reçut une éducation, elle fut toute de hasard; la vie même de Mirabeau fut son éducation. Cette première période de sa vie, qui s'étend du 9 mars 1749 (date de sa naissance au Bignon) à l’année 1774, renferme déjà plus d’un jour agité. M. de Loménie l’a racontée dans son ouvrage sur les Mirabeau. Nous y voyons de quelle manière le futur orateur mène la vie de campagne, puis celle des camps ; il prend part à l'expédition française de Corse (1769). Au retour, il se consacre à l’agriculture, selon les désirs de son père. C’est son père aussi qui conclut son mariage avec Emilie Covet, fille du marquis de Marignane (18 août 1772).
À dater de ce mariage, le jeune comte se dérange. En même temps commencent les querelles domestiques du marquis, l'Ami des hommes, avec sa femme, son fils et sa fille, qui se sont ligués contre lui. Nous voici au second tableau de la vie de Mirabeau. Il est en prison. Ses dettes d’abord, ses passions ensuite le font condamner à une longue captivité (1774-1780). Frappé d'’interdiction, confiné d’abord au bourg de Manosque, puis surpris en rupture de ban, il est enfermé enfin au château d’If, et peu après à Pontarlier. Il s’évade en compagnie de M"° Sophie de Monnier, la jeune femme d’un vieux président, mais il se fait arrêter en Hollande, où il écrivait des pamphlets contre son père. Le marquis, harcelé par sa famille ameutée, n’obtient quelque repos qu’en jetant au couvent sa femme et sa fille, au donjon de Vincennes son fils, qu'un arrêt du bailliage de Pontarlier avait d’ailleurs condamné à mort pour rapt et séduction. Cette captivité de Vincennes, qui dure trois ans (1777-1780), donne à Mirabeau tous les loisirs nécessaires pour travailler. Il étudie, il écrit, « il fait son cours d’études de l’orateur?. »
De la période des prisons, nous passons à celle des procès (17811784). Le marquis s’est en effet réconcilié avec son fils et l’a mis en liberté. Mirabeau, changeant d'affection selon son intérêt, soutient son père dans les procès que sa mère lui intente. Ensuite il réussit à obtenir des tribunaux de Pontarlier une réhabilitation pour lui et pour M" de Monnier (1782). Enfin il plaide
1. Sainte-Beuve, Lundis, v. IV, p. 2. 2. Sainte-Beuve, Lundis, v. IV, p. 33.