Gouverneur Morris : un témoin américain de la Révolution française

110 GOUVERNEUR MORRIS

Le 27 juin « à quatre heures, dit le procès-verbal de l'Assemblée (n° 9), MM. du clergé et MM. de la noblesse, non réunis, ayant à leur tête MM. du clergé, M. le cardinal de La Rochefoucault et MM. dela noblesse, M. le duc de Luxembourg, sont entrés. M. le cardinal de La Rochefoucault a dit: « Messieurs, nous sommes conduits ici par notre amour et « notre respect pour le roi, nos vœux pour la paix et notre zèle « pour le bien public. » M. le duc de Luxembourg a dit : « Mes« sieurs, l’ordre de la noblesse a arrêté ce matin de se rendre « dans cette Salle nationale, pour donner au roi les marques de « son respect et à la nation les preuves de son patriotisme. »

L'Assemblée nationaleexistait désormais en fait comme un droit, maîtresse du champ de bataille, où l’on ne s'était pas battu. Et la charte, la déclaration des droits du 23 juin ? Elle était, comme dit Rivarol, « caduque par le désistement tacite consigné dans la lettre de Sa Majesté aux nobles non réunis».

J'ai insisté sur ces faits parce que c’est par cette porte qu'a passé la Révolution tout entière. Cela était nécessaire d’ailleurs pour comprendre le jugement que Gouverneur Morris a porté sur eux.

III

Dès le jour même de l'ouverture des États généraux, il voit poser et entend discuter la question du vote par ordre ou par tête.

Naturellement le 5 mai 1789 il est allé à Versailles et ilest forcé d'y rester à diner. « Aussitôt que je le puis, je me dé-

gage de la foule ; je trouve mon domestique etje vais où ma ion a été remisée, me sentant assez grand faim et n'étant point disposé à demander un diner à personne, convaincu qu'en ce jour il sera présenté plus de requêtes de cette nature qu'il ne sera agréable à ceux qui ont un diner à offrir. Je trouve que mes chevaux ne sonl pas harnachés et que je suis chez un {raiteur. Je demande à diner et l’on me montre une pièce où il y a une {able d'hôte, à laquelle sont assis plusieurs membres du tiers. Nous entrons en conversation et parlons de la manière de voter. Je leur dis qu’à mon avis, lorsque