Gouverneur Morris : un témoin américain de la Révolution française

LES ÉTATS GÉNÉRAUX. L'ASSEMBLÉE CONSTITUANTE x23

leurs têtes en triomphe à travers la ville... Hier c'était la mode à Versailles de ne pas croire qu'il y eût des troubles à Paris. Je présume que les événements de ce jour amèneront Ja conviction que tout n’est pas parfaitement tranquille. »

II finit cette journée historique chez Mme de Flabhaut, à qui :] fait des vers anglais, sous les yeux du mari, et cette page du Journal se clôt sur une note galante : « Pendant qu'il est assis au milieu de nous, Madame ayant une écriloire sur ses genoux, pour exciter sa curiosité je grillonne quelques méchants vers qu'il me demande de lui traduire et rien n'est plus facile ; mais malheureusement une des idées n’est pas faite pour lui plaire ?. Elle me dit qu'il avait l'air assez sot en m'entendant déclarer que je suis trop vieux pour exCIter une passion. Je l’assure que mon seul objet était d’exciter sa curiosité. Elle fait remarquer que j'ai réussi dans mes désirs, mais qu'il était assez ridicule de la part de Monsieur de demander une explication, parce que j'aurais pu lui donner la même traduction alors même que les vers auraient élé enjièrement différents. »

Pendant cette journée du 14 juillet, que s'était-il passé à Versailles ? Cela était plus important encore que ce qui s'élait passé à Paris et, sur ce point, le Journal de Morris jette: une vive lumière. Le 15 juillet il circule encore dans Paris, non sans difficulté, et rentre à l'hôtel pour diner : « Pendant que je suis à diner La Caze entre : il dit qu’un député vient d'arriver des Élats généraux apportant la nouvelle que le roi à battu en retraite, etc. Je m’y attendais. Nous verrons. » Le soir au club il en apprend plus long : « Le duc d’Aguillon et le baron de Menou sont là tous deux. J'apprends d'eux et par eux l'histoire secrète de la révolution de ce jour. Hier une adresse fut présentée au nom de l'Assemblée et S. M. y fil

1, T. ["p:4125;

2, Voici la traduction de ces vers (p. 126): « C'est fiévreusement que j'écris sur vos senoux, — n’attendez donc qu'un faible lai. — Et cependant, en dépit de tout proverbe, — bien que ce soient des vers, croyez-les, je vous prie. — Je ne suis point un amant. Hélas je suis trop vieux — pour exciter en vous une mutuelle flamme. — Acceptez done une passion plutôt froide. — Et appelez-la du beau nom d'amitié, »