Gouverneur Morris : un témoin américain de la Révolution française

LES ÉTATS GÉNÉRAUX. L'ASSEMBLÉE CONSTITUANTE 127

où elle a pénétré entre la double file de milice parisienne, qui s'étend de là jusqu’à l'Hôtel de Ville. Notre ami La Fayette, élu général de la milice de Paris, précède son souverain. Ils avancent lentement au milieu des acclamations de « Vive la « Nation ! » Chaque ligne est composée de trois rangs ; par conséquent un corps, profond de six hommes, s'étend sur toute la distance. L'Assemblée nationale suit la procession dans un ordre confus. Les gardes à cheval du roi, quelques oardes du corps et tous ceux qui le suivent ont des cocardes aux couleurs de la ville, c’est-à-dire rouge et bleu. C'est une magnifique procession à tous égards... Le roi mit à son chapeau une large cocarde de rubans rouges et bleus, et alors, mais alors seulement, reçut des acclamations générales de « Vive le Roi ». Cette journée sera pour lui, je pense, une utile leçon pour le reste de sa vie ; mais il est si faible, qu'à moins d'être tenu à l'écart de la mauvaise compagnie, il est impossible qu'il n’agisse pas de travers !. »

Marmontel à noté la même scène avec une impression différente, mais non moins vive: « La nombreuse députation que l'on fit partir pour Paris fut reçue, dès la barrière jusqu'à l'Hôtel de Ville, par une armée de cent mille hommes diversement armés d'instrumens de carnage; scène évidemment préparée, comme pour étaler les moyens qu’on avait de se faire obéir, si le roi n'avait point cédé; et à cet appareil terrible se mélait une joie de conquérans de cette liberté sans frein qui n'avait produit que des crimes et dont les meilleurs ciloyens eux-mêmes se laissaient encore enivrer. Un blocus, un siège, une famine, un massacre, étaient les noirs fantômes dont on les avait effrayés ; et, en voyant éloignées les troupes que l’on croyail chargées de commettre ces crimes, Paris ne croyait plus rien avoir à craindre ?. »

Morris ne manqua pas de visiter avec Mme de Flahaut la Bastille, c'était le pèlerinage patriolique du moment. Il alla demander l’autorisation nécessaire à La Fayette, qui trônail à l'hôtel de ville; puis, muni du laisser passer, le 21 juillet, « Je vais prendre, dit-il, Mme de Flahaut, qui à exprimé le

1. T, I, p. 130-132. — 5. Mémoires, t. I, p. 287.