Gouverneur Morris : un témoin américain de la Révolution française

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LES ÉTATS GÉNÉRAUX. L'ASSEMBLÉE CONSTITUANTE

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toujours sur la prudence ?. » Il ne développe pas d’ailleurs son jugement. Cela n’était pas nécessaire quant au système des deux Chambres, qu'il considérait évidemment comme une donnée fondamentale de la science politique. Cela eût été intéressant quant au velo suspensif qui avait été accepté par Necker et par Louis XVI. Locke et Montesquieu avaient montré que, dans la monarchie constitutionnelle, le veto absolu, cet empiètement apparent du pouvoir exécutif sur le pouvoir législatif, était en réalité la garantie nécessaire de la séparation des pouvoirs. Sans cela, le pouvoir législatif pourrait modifier à son gré et réduire à rien les attributions de la puissance exécutive. Mais à cela Sieyès répondait que la démonstration était exacte dans la monarchie anglaise, où le pouvoir législatif, souverain de sa nature, pouvait légiférer sur la Constitution même ; mais qu'en France les droits du roi étant inscrits dans une Constitution intangible pour le pouvoir lé-pislatf, trouvaient dans cette Constitution même une garantie suffisante. C’est par transaction entre ces deux thèses, qu'on avait adopté le velo suspensif, la pire des solutions, car il prolongeait les conflits au lieu de les résoudre.

VII

Mais, dans la Constitution nouvelle, deux séries de réformes paraissaient à Morris bien plus graves encore.

C'était d'abord l'abolition des privilèges et des ordres privilégiés. Bien qu'il traite, nous l'avons vu ?, assez durement les privilégiés, Morris est en France leur défenseur. C’est l'effet de son esprit conservateur; c’est, en partie, la conséquence de théories politiques très curieuses et très profondes.

Il se montre conservateur au point de considérer comme un vérilable attentat à la propriété, la réduction, considérable il est vrai, des pensions servies aux gens de cour par l’ancienne monarchie. « Je vais au club (4 janvier 1790). L'Assemblée nationale a suspendu le paiement des pensions, accordant

1. T. I, p. 154, — 2. Ci-dessus, P: n07.