Gouverneur Morris : un témoin américain de la Révolution française

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me répond que l'opinion n'est plus avec le Saint-Siège, et que, sans une armée pour l’appuyer, l'interdit n'exciterait que la dérision ; que l'exemple de l’Angleterre rend Rome prudente. Je réplique que le cas est quelque peu différent, et que d'ailleurs, comme l’Assemblée n’a rien laissé au Pape il peut jouer à coup sûr, puisqu'il ne peut plus rien perdre: que, dans tous les cas, il aurait mieux fait de ne rien faire que prendre des demi-mesures, parce que l’humanité par degrés peut s’habituer à tout. Il reconnaît la vérité de cela et avoue qu'il aurait préféré les partis extrêmes. Je lui dis qu'à parür du moment où la propriété de l'Église a été saisie, j'ai considéré que c'était la fin de la religion catholique, parce que personne ne voudra être prêtre pour rien. Il est pleinement de mon avis '. »

Cependant son ami Talleyrand poursuit son entreprise, sans défaillance, mais non sans crainte. « Je vais au Louvre, écrit Morris le 24 février 1791, voir Mme de Flahaut. Elle est au lit : je Joue avec elle au whist à douze sous. L’évéque d'Autun craint horriblement pour sa vie. Lorsqu'elle est rentrée chez elle la nuit dernière, elle a trouvé dans une enveloppe en blanc un testament de son évêque, qui la fait son héritière. De certaines choses qu’il a laissé tomber dans la conversation elle a conclu qu'il était décidé à se détruire, par suite, elle a passé la nuit dans une grande agitation et dans les larmes. M. de St-Foi (sic) qu’elle a fait lever à quatre heures du matin n’a pas pu trouver l'évêque, celui-ci ayant couché près de l’église où il devait aujourd'hui consacrer deux évêques nouvellement élus. À la fin il se découvre que, par suite de menaces répétées, il craignait que le clergé voulût le faire tuer ce jour-là, et il avait donné ordre de ne remettre la lettre que ce soir, comptant la reprendre s'il passait la Journée en vie ?. »

Il est une autre classe de privilégiés, une autre sorte de corps, dont Morris approuvait la destruction. Ce sont les par-

lements. Il à bien vu que leurs droits politiques n'étaient

£ T: I, p. 395. — 2. T. I, p. 385.