Gouverneur Morris : un témoin américain de la Révolution française

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l’obligent à rien, si ce n’est à un oubli général du passé, à très peu d'exceptions. J'essaie de le convaincre que le rétablissement des parlements entrainerait en premier lieu beaucoup de difficultés de la part du peuple et d’autre part, occasionnerait beaucoup d'opposition de leur part à ses mesures (du roi)‘. »

Mais ce que Morris ne pardonnait pas à l’Assemblée, c'était l'abolition de la noblesse et de ses privilèges. C’est là, à ses yeux, le vice capital, l'erreur fondamentale. Il était en Angleterre et dinait le 24 juin 1790 chez l'ambassadeur de France, lorsqu'il apprit le décret du 19 juin précédent, qui abolit la noblesse héréditaire et les titres de prince, due, comte, marœuis et autres semblables : « Aujourd'hui à diner chez l’'ambassadeur de France il Y a un certain nombre de membres du corps diplomatique, el, ce qui me convient mieux, une belle tortue. Les nouvelles de France annoncent l'abolition totale de la noblesse française, jusqu'aux armoiries et livrées, et cela sur la proposition de quelques nobles Whigs. Il y a aussi une étrange adresse à l’Assemblée émanant d’une junte de toutes les nations. On dirait que les révolutionistes s’ingénient à exciter une forte Opposition à leurs mesures. Dieu sait comment tout cela finira, mal, je le crains, à moins qu'ils ne soient sauvés par une guerre étrangère 2)

C'est qu'aux yeux de Morris, la noblesse. une noblesse titrée et privilégiée, est essentielle pour constituer le gouvernement libre de la France nouvelle. Il veut qu'elle y aït une représentation spéciale, et il le dit dès les premiers jours ?.

Il ne manque point de prècher ses idées à son ami La Fayette. Le 3 juillet 1589 il dine chez lui : « Nous avons avec lui après diner une conversation politique, dans laquelle je l’adjure de conserver, si possible, quelque autorité constitutionnelle au corps de la noblesse, comme le seul moyen de conserver quelque liberté au peuple. Le courant est si fort contre la noblesse que j'appréhende sa destruction, la-

1 PTE, p.97 —12. X, I, p: 335. — 3. Ci-dessus, p. 142.