Gouverneur Morris : un témoin américain de la Révolution française

LES ÉTATS GÉNÉRAUX. L'ASSEMBLÉE CONSTITUANTE 159

dait la noblesse et ses privilèges au moins honorifiques. Il n'avait pu créer une aristocratie aux États-Unis ;: au moins voulait-il sauver l'aristocratie française.

Il est une catégorie de droits qui n'étaient pas juridiquement un privilège de la noblesse, bien qu'ils lui profitassent le plus souvent, sur l'abolition ou le rachat desquels il ne s'explique guère, je veux parler des droits féodaux. Voici simplement ce qu'il en dit dans une lettre à Jefferson du 10 juin 1792: « La population des campagnes a élé jusqu'ici, dans une large mesure, poussée par l'espoir du gain. L’abolition des dimes, des droits féodaux et des impôts écrasants était si agréable qu'elle n’a pas permis un froid examen des conséquences ni de rechercher la stricte mesure de la Justice *. » Ces droits n'avaient peut-être pas à ses yeux une grande importance parce que, sans doute, il les connaissait mal. En Angleterre, et plus encore aux États-Unis, la féodalité était devenue une pure forme et les redevances de simples fermages. C'était pourtant là toute la Révolution pour les paysans. L’abolition générale des privilèges était bien aussi le vœu ardent des classes éclairées : il suffit pour en trouver l'expression de se reporter à la première œuvre de Sieyès, L’essai sur les priilèges.

Pour constater la force de ce courant d'opinion on n'a qu'à songer à cette séance extraordinaire de la nuit du 4 août, dont Je procès-verbal officiel, mieux que tout autre document, peut donner l’étonnante et vivante impression, au bout d’un siècle. C'est en particulier pour cela que les déclarations apportées par Louis-XVI le 23 juin 1789 étaient inacceptables. En effet la première déclaration portait : « Arr. 8. Sont expressément exceptées des affaires qui pourront être traitées en commun celles qui regardent les droits antiques et constitutionnels des trois ordres, les propriétés féodales et seigneuriales, les droits uliles et les prérogatives honorifiques des deux premiers ordres. Arr. 9. Le consentement particulier du clergé sera nécessaire pour toutes les dispositions qui pourraient intéresser la religion, la discipline ecclésiastique, le régime des ordres et corps réguliers et séculiers. » La seconde déclaration portait : « Arr.

1. T. I, p. 54o: