Gouverneur Morris : un témoin américain de la Révolution française

164 GOUVERNEUR MORRIS

un Directoire. Or, voici comment les survivants de la première Assemblée expliquaient ces changements. « L'Assemblée constituante, disait Boissy d’Anglas, qui voulait maintenir la liberté, établit de grands corps (les administrations départementales, pour balancer l'autorité royale : ils étaient composés de 36 membres délibérants; mais pour empêcher ces grands corps administratifs d’opprimer le peuple, l'Assemblée créa en même temps les districts pour s'opposer à l’action despotique des départements. Ge système était sans doute bien conçu pour concilier la monarchie constitutionnelle avec la liberté, mais aujourd’hui ces grands corps délibérants sont inutiles !. » Et Lanjuinais : « Cette institution n’était nécessaire que sous l'empire d’un monarque, afin de résister à l'oppression ministérielle: mais sous le régime républicain, elle deviendrait inutile et embarrassante ?. » Enfin Defermon : « Je n'ai pas oublié, citoyens, que ce fut moi qui, dans l’Assemblée constituante demandai la conservation des districts; mais c'est qu’alors je savais qu'on avait le dessein de supprimer les départements pour donner plus de force à la puissance royale. Aujourd’hui que les mêmes motifs n'existent plus, je considère la conservation des districts comme inutile *. »

On sait quel fut le résultat : une complète anarchie administrative. C’est un des points que Taine a mis le mieux en lumière. Mais les contemporains clairvoyants ont su noter et expliquer le phénomène. Mirabeau le signale à mainte reprise dans ses notes pour la Cour. Rivarol le voit dès les premiers jours : « A la vérité, on reconnaît encore trois puissances en France : Paris, l'Assemblée nationale et les municipalités des villes : mais où est le roi? Ou sont les tribunaux ? Et si les assemblées provinciales n’arrêtent pas la grande Assemblée, si les districts de Paris ne contiennent pas l'hôtel de ville, que deviendrons-nous #? » L'abbé Morellet marque le malen traits précis dans ses lettres à lord Shelburne *.

Réimpression de l'Ancien Moniteur, t. XXV, p. 170. Ibidem, t. XXN, p. 814.

Réimpression de l'Ancien Moniteur t. XXNW, p. Journal politique nalional, 1°° série, n° xx, p. 1 Op. cil., p. 279, 289, 298, 302, 805.

70. 2.

US &5

I 2 Ÿ

=

ur