Gouverneur Morris : un témoin américain de la Révolution française

LES ÉTATS GÉNÉRAUX. L'ASSEMBLÉE CONSTITUANTE 165

Morris l’a discerné mieux que tous les autres. Le 1°" novembre 1789 il est chez Mme de Laborde : « Monsieur nous dit que la municipalité de Rouen a arrêté des grains destinés à Paris. Cela amène une observation sur le monstre aux cent ièles qu'ils ont créé en organisant le pouvoir exécutif. Il excuse l'Assemblée en disant qu'elle a dû détruire pour corriger. La nécessité d’une telle apologie est de mauvais augure. Quand l'apologie de la conduite d’un gouvernement devient nécessaire, on est sur le chemin du mépris, car il faut reconnaître la faute avant de l’excuser et le monde est assez bon pour retenir l’aveu et rejeter l’excuse!. » Le 10 janvier 1790, ‘| dine chez La Fayette : « Après diner il me demande comment ils pourront faire en cas de désobéissance des administions de province et de district, qui sont soumises aux ordres du roi, mais qui, étant élues, ne respectent pas ces ordres. Je lui dis qu'il y a rien à faire; que c’est une institution radicalement mauvaise et qu’ils ne peuvent modifier, tant ils ont parlé au peuple de la liberté; qu'il faut nécessairement laisser le soin de corriger cela et bien d’autres choses au temps et à l'expérience, heureux si les changements produits par cette dernière ne ramènent pas une autorité trop sévère. Il ne goûte pas cet avis?. »

Morris a fait mieux. Avant même que l’Assemblée ellemème eût préparé ses décrets du mois de Décembre 1789 sur l'organisation administrative et municipale, il a décrit avec une précision absolue le système qu'elle adopterait et il en a montré les origines. Rien ne fait plus d'honneur à sa perspicacité et à la sûreté de ses informations. Il écrit à Jay le et juillet 1789 : « Les assemblées ou administrations provin= ciales — en d’autres termes l'exécutif populaire des provinces, que Turgot avait imaginées pour modérer le pouvoir législatif du Roi et de la Cour, sont maintenant un objet sur lequel on insiste, comme une garantie contre le monarque, alors qu'ils auront établi un pouvoir législatif démocratique, car les ordres de la noblesse et du clergé sont dorénavant vox el prælerea

‘nihil%. » Il est certain que les assemblées provinciales de

1. T. Ï, p. 222, =. TI, p 267 — 3. T°], p: og: