Gouverneur Morris : un témoin américain de la Révolution française

LES ÉTATS GÉNÉRAUX. L'ASSEMBLÉE CONSTITUANTE 107

cerne le maintien de l’ordre devraient ètre nommés par la Couronne, mais qu'il est trop tôt pour rien proposer de pareil. JL faut que l'expérience en démontre la nécessité !. »

Voici encore le conseil qu'il donne par rapport à la garde nationale, le 17 janvier t 790:«AÀ diner, La Fayette me demande ce qu'ils pourraient faire en ce qui concerne leur milice. Je réponds, rien ; car ils ne peuvent faire ce qu'il faudrait 5 il vaut donc mieux la maintenir dans un état tel qu'elle puisse être corrigée, ce qui ne serait pas le cas si elle était fixée par Ja Constitution ?. »

Cette anarchie profonde, morale autant que politique, a inspiré à Morris nombre d'observations, qu'il serait inutile et fastidieux de relever dans leur ensemble. Voici seulement deux passages dans des tons différents. Le 30 août 1790, il écrit à Washington : « Tous les liens de la société sont dénoués et il n’y a plus d'autorité. À moins qu'ils soient bientôt engagés dans une guerre étrangère, 1l semble impossible de conjecturer quels événements se produiront. Il y a quelque temps les ministres ont été menacés de la Lanterne et ils quitteraient leurs fonctions avec joie.* » — Le Journal porte à la date du 19 novembre 1790: « Ce malheureux pays, égaré à la poursuite de chimères métaphysiques, présente au point de yue moral une grande ruine. Comme dans les vestiges d’une ancienne magnificence, nous admirons l’architecture du temple, mais nous détestons le faux dieu auquel il est dédié. Les choucas et les corbeaux et les oiseaux de nuit bâtissent maintenant leurs nids dans ses niches : le souverain, abaissé au point de faire pitié au mendiant, sans ressources, sans autorité, sans un ami; l’Assemblée à la fois maîtresse et esclave, à peine arrivée au pouvoir, égarée en théorie, inexpérimentée en pralique, accapare toutes les fonctions, bien qu'incapable d’en exercer aucune, et a fait perdre à ce peuple fier, féroce, toute retenue venant de la religion ou du respect“. »

Sans doute ce déplorable état de choses avait pour cause permanente l'affaiblissement systématique et constitutionnel du pouvoir exécutif. L'abbé Morellet accuse même un certain

1, TL, p.416 0. T. I, p. 272, — 3, TI, p. 345. — 4. T.I, p- 359.