Gouverneur Morris : un témoin américain de la Révolution française

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chaque parti. Je lui dis qu'il faut des hommes de talent et d'énergie, et que le reste importe peu. Je dois demain diner chez lui et causer de cette affaire !. » Le lendemain, en eflet, il revient à la charge : « Je vais chez La Fayette: à diner nombreuse compagnie. Après diner je vais dans son cabinet et je lui parle d’un nouveau ministère plus capable que l’ancien. Je mentionne l’évêque d’Autun pour les finances. Il dit que c’est un méchant homme et faux. Je conteste cette assertion par les raisons qui m'ont déjà été données. Je lui dis que par l’évêque il gagne Msbeu, Cela le surprend et il m'assure qu'ils sont ennemis. Je lui dis qu'il se trompe et, comme je suis le mieux informé, il prend l'air d’un homme grandement déçu. Je lui rapporte l’idée de l'évêque, à savoir que le roi aurait dù lui donner immédiatement (à lui La Fayette) un cordon bleu. Cela fait plus que beaucoup de bonnes raisons pour le convaincre que c'est un honnête homme. Montesquiou pourrait aller comme ministre de la Guerre. Il ne lui plait pas beaucoup, mais c’est un ami de M. de Montmorin. Je propose Touret pour garde des sceaux. Il reconnait qu'il a du talent, il ne sait s'il a de l'énergie. Je lui demande ce qu'il a l'intention de faire de Clermont-Ton‘ nerre. Il dit que ce n’est pas un homme de grands talents. J'ajoute que c'est un homme plein de doit (faux). Il en convient ; par conséquent quant à lui pas de difficulté. Je lui dis que la coalition que je propose fera renverser Necker par la même populace qui le soutient maintenant ?. » IL semble ut que Morris se demandait s'il n’y aurait pas besoin de la force ; car voici ce qu'on lit quelques lignes plus bas : « Ternant et moi avons un bout de conversation. Il me dit qu il est sûr de son régiment, et qu 1l peut amener six cents chasseurs des lisières du Bois-de-Boulogne ?. »

Dans sa négociation Morris rencontre deux obstacles. Le premier, c'est Ja personne de Mirabeau, qu'il croit avoir écartée, mais qui va reparaitre plus menaçante. Le second c’est

D. D. Dep. 177. — 2. D. L'p. 170. 3. T. I, p. 180. Il s'agit de Ternant, qui fut en 1791 nommé ministre de France aux États-Unis, NO FE p..37r, 375, 356.