Gouverneur Morris : un témoin américain de la Révolution française

LES ÉTATS GÉNÉRAUX. L'ASSEMBLÉE CONSTITUANTE 179

promels d'écrire une lettre demain. De là je vais au Louvre : Madame s'habille, elle est très fatiguée. L'évêque arrive: je Jui dis mon intention d'écrire à La Fayette. Il l’approuve et il fait cette observation qu'il est à ménager parce qu'il est utile. II me dit qu'il n’acceplera pas une place dans le ministère actuel et j’approuve cette détermination. Il est reçu avec des attentions infinies chez Mme de Laborde, ce qui prouve qu'on s'attend à ce qu'il va devenir quelqu'un. L'air de Mme de Flahaut brille de satisfaction en nous voyant tous deux, l’évêque et moi, assis côte à côte et appuyant récipro-

. 1n3 ï s x Î quement nos opinions. Quel triomphe pour une femme, »

Morris écrivit en effet la lettre à La Fayette. On la trouve intégralement reproduite au Journal?. Elle est ferme et digne. Morris lui démontre péremptoirement par sept raisons, soigneuseñment nu mérotées, qu'il ne doit pas entrer au ministère. La septième est à retenir: « Si vous entrez au ministère en même temps que Mirabeau, ou à peu près, tout Krançais honnète se demandera la cause de cette étrange coalition. I y a dans le monde des hommes qu’on doit employer, mais sans leur donner sa confiance. La vertu sera toujours souillée par son alliance avec le vice et la Liberté rougira à son entrée, si elle est conduite par une main polluée. »

La joie du triomphe chez Mme de Flahaut était prématurée. Le 18 octobre, Morris va la voir : « L'évêque est avec elle. Nous causons des changements projetés dans le ministère. J'insiste pour que Mirabeau ne soit pas introduit dans le Conseil, disant qu'ils se trompent s’ils croient qu'il pourra, après son élévation, conserver son influence sur l’Assemblée, qu'introduire un homme d'aussi mauvaise réputation leur fera tort dans l'opinion publique et que dans le moment présent tout dépend de l'opinion. L’évêque me dit qu'à son avis aucun gouvernement dont M. Necker fera partie ne pourra bien lonctionner. Après qu'il est parti, Madame me dit que La Fayette est déterminé à ne pas mettre Montesquiou au ministère de la Guerre. Mirabeau a dit à l'évêque et Montesquiou lui a dit à elle que les calculs dans la motion de l’évêque sont

1, D. I, p. 191. — 2. T. I, p. 192.