Gouverneur Morris : un témoin américain de la Révolution française

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pitoyables. Cela explique l'opinion qu'il m'a énoncée. La Fayette a commis une bévue en s’ouvrant à Mirabeau. S'il l'emploie, cela sera déplaisant et s’il le laisse de côté, cela sera dangereux, parce que chaque conversation lui donne des droits. et des armest. » Le 27 octobre, chez Mme de Chastellux, « causé un instant avec Mme de Ségur au sujet des rapports entre notre ami La Fayette et Mihoant Elle me demande ce que je voudrais qu'il fit. Je lui dis que s’il me faisait l’honneur de me demander mon avis, je ne pourrais lui donner aucun bon conseil ; qu’il s’est réduit lui-même à cette situation, de faire de Mirabeau un ennemi dangereux en le laissant de côté ou un ami plus dangereux encore en l’aidant dans ses desseins ; que c’est M. Necker qui a maintenant le beau rôle. Il ne restera pas au ministère si Mirabeau y entre. Mirabeau insiste pour y arriver et, s’il réussit, M. Necker a l’occasion désirée de se retirer d’un poste qui, actuellement, est également dangereux à occuper et à quitter. Lui éliminé, Mirabeau sera contraint par l'opinion générale d'abandonner la place qu'il aura ainsi occupée et alors on choisira un ministère entièrement nouveau ?. »

Le r°° novembre, Morris va voir quel effet a produit sa lettre: « À cinq heures je rends visite au marquis de La Fayette Il me dit qu'il a suivi mon conseil, bien qu'il n'ait fait aucune réponse à ma lettre. Je le félicite sur ce qui s'est passé avant-hier entre un gentilhomme (gentleman) et le comte de Mirabeau et qui est assez insultant pour perdre celui-ci, parce que maintenant il ne peut plus être porté au ministère et est perdu dans l’opinion de l’Assemblée. Il me demande avec chaleur si je pense qu'il est perdu à leurs yeux. Je réponds que lÉvèque d’Autun vient justement de m'exprimer cette opinion. Il dit qu'il ne connaît pas beaucoup l'Évêque et qu’il serait heureux de faire plus amplement sa connaissance ?. »

Le fait dont Morris tire parti, en l’exagérant, contre Mirabeau, est relaté dans le premier numéro des Actes des apôtres : « Le vendredi 30 octobre, M. le comte de Mirabeau eut, en

1 T. I, p. 196. — 2. T. I, p. 208. — 3. T. I, p. 2