Gouverneur Morris : un témoin américain de la Révolution française

ÉNÉRAUX. L'ASSEMBLÉE CONSTITUANTE 183

LES ÉTATS G

La cause était perdue. L'Assemblée adopta la motion de Lanjuinais ainsi conçue, et qui passa aggravée dans la Constitution : « Les membres de l’Assemblée nationale actuelle et des législatures suivantes... ne pourront être promus au ministère, ni recevoir aucune place, don, pension, traitement ou commission du pouvoir exécutif ou de ses agents, pendant la durée de leurs fonctions et pendant deux ans après en avoir cessé l'exercice. » C'était la traditionnelle méfiance à l'égard du pouvoir exécutif et la crainte de la corruption qui l'emportaient. Le 7 octobre Morris -notait: « Le résultat de la proposition de Mirabeau visant le ministère, a été une résolution d’après laquelle aucun membre des présents États généraux ne sera admis à avoir part au ministère! »

Il semble que tout soit fini par là. Cependant certains n'abandonnaient pas la partie ne croyant pas que la résolution du 7 novembre püt être maintenue. Le 18 novembre c'est La Fayette qui vient trouver Morris: « Je lui dis que personne ne peut raisonnablement produire un plan, si ce n’est le ministère, car lui seul connait suffisamment toutes les circonstances qu'il est nécessaire de connaître; que le présent gouvernement doit être maintenu en place, parce que la récente résolution de l’Assemblée défend de prendre les ministres dans son sein. Il dit qu'il pense qu'il peut pour une fois prendre un ministère dans l’Assemblée pourvu qu'il ne nomme pas Mirabeau et un ou deux autres. Là-dessus je déclare que je ne sais pas si l'évèque d'Autun et ses amis seraient assez faibles pour accepter le pouvoir dans des circonstances si Critiques ?. » D'ailleurs on voit que La Fayette n'y lient pas: ce qu'il rêve c'est, pour lui, la dictature: « Il dit que Mira-

© beau a bien caractérisé l'Assemblée en l'appelant l'âne sauvage (Wild Ass) ; que dans une quinzaine on sera obligé de lui donner une autorité qu'il a déclinée jusqu'ici. Il montre clairement par son altitude que c'est le vœu de son cœur. Je lui demande quelle autorité. Il dit une sorte de dictature, comme généralissime, il ne sait pas au juste quel sera le titre. »

1. TL, Pr210 0 I, p. 232.