Gouverneur Morris : un témoin américain de la Révolution française

Le 1° avril 1797, lorsque Mirabeau est à l’agonie, il écrit: « Je dine chez la duchesse d'Orléans. Après diner je vais à l'Opéra. J'en sors de bonne heure pour prendre Mme de Flahaut et la mener chez Mme de Laborde. Sur notre chemin nous voulons aller prendre des nouvelles de Mirabeau. Des gardes nous arrêtent, de peur que le bruit de la voiture ne trouble son repos: Je suis choqué de tels honneurs rendus à un pareil misérable. Je me querelle à ce sujet avec Mme de Flahaut ‘. » Celle-ci montrait là le cœur d'une femme et d’une française : Je lendemain Mirabeau était mort. Morris enregistre son déès, et immédiatement, par instinct politique, il songe à lui donner un successeur de son choix, soit comme leader de l'Assemblée nationale, soit comme conseiller possible et secret de la Cour. Il dine chez M. de Montmorin puis va au Louvre chez Mme de Flahaut, où il trouve Talleyrand : « Mirabeau est mort aujourd’hui. Je dis à l’évèque d’Autun qu'il devrait prendre la place qu'il a laissée vacante; qu’à cet eflet, il devrait prononcer son oraison funèbre, dans laquelle il présenterait un résumé de sa vie, et insisterait sur les dernières semaines, pendant lesquelles il a travaillé au rétablissement de l'ordre ; puis insister sur la nécessité de l’ordre et présenter le roi comme il doit l’être. Il me dit qu’il a songé à cela toute la journée. Je lui dis qu'il n’a pas un moment à perdre et que de pareilles occasions se présentent rarement. — J'ai parlé aujourd’hui au comte de Montmorin d’un successeur pour Mirabeau, mais il m'a dit qu'il ne voit pas bien qui l’on pourrail mettre à sa place. Il avoue que Mirabeau était déterminé à perdre La Fayette, et dit qu'il l'a retenu pour un certain temps. Il dit que La Fayette est un roseau, qui n'est bon à rien. Il croit qu'il ne reste plus qu'une chance, c’est de convoquer aussitôt que possible la nouvelle Assemblée, en excluant les membres de la présente Assemblée, et qu’elle siège hors de Paris. Les théâtres sont fermés aujourd’hui. Le temps est beau ?. » Le 4 ce sont les funérailles de Mirabeau et Morris ne désarme pas : « Le convoi de Mirabeau (suivi, à ce que l’on dit,

LES ÉTATS GÉNÉRAUX. L'ASSEMBLÉE CONSTITUANTE 185

1. T. I, p. 396.— 2. T. I, p. 396.