Gouverneur Morris : un témoin américain de la Révolution française

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Montmorin, comme on le voit, pensait alors à la dissolution finale de l’Assemblée et il se posait la question si importante de savoir si ses membres devraient être rééligibles : « Il (Montmorin) dit qu'aucun des membres présents ne devrait être rééligible!. Je diffère d'opinion, parce qu'il connait le caractère el les talents du personnel actuel et qu'il pourra, après réélection, acheter ceux qui peuvent servir à ses desseins. Il dit qu'ils ne valent pas le prix et que la plupart prendraient l'argent pour agir ensuite comme il leur plairait ; que si Mirabeau avait vécu, il l'aurait gratiñé au comble de ses désirs. Il dit qu'il faut maintenant travailler dans les provinces pour assurer les élections. Je lui demande comment il connaîtra les tendances et la capacité des membres élus. Il me dit que c'est difficile ?. »

Chacun sait que le 16 mai 1791 la Constituante décréta : « Les membres de l’Assemblée nationale actuelle ne pourront être élus à la prochaine législature. » On sait aussi que ce fut là une des causes qui précipitèrent le cours de la Révolution. Nous voyons maintenant que le gouvernement du roi, repré= senté par Montmorin, poussait dans ce sens par une aberration singulière. En l'en dissuadant Morris faisait entendre la voix de la raison, et sa clairvoyance politique s’attestait encore une fois. D'autres questions également graves se posaient en même temps.

La grande Assemblée qui s’acheminait vers sa fin, après son œuvre colossale, semblait inquiète et hésitante. En laissant de côté les aristocrates, plus impuissants que jamais, et les quelques démocrates qui formaient l'extrême gauche, elle état divisée entre deux partis : les modérés et les enragés, comme on les appela d'abord, — le parti La Fayette et le parti Barnave: comme dit Malouet, — les Quatre-vingt-neuf# et les Jacobins,

1. I y à dans le texte : « He thinks that more of the presents members should be reeligible. » Mais c’est sûrement une faute. Le manuscrit doit porter none au lieu de more.

2. T. I, p. 809. CF. ci-dessus, p. 185. Ê

3. Leur nom venait d’un club, la Socisté de 1789, qui se fonda au 1092 «de mai 1790 et siégeait au Palais-Royal. On voit parmi ses membres Bailly, La Fayette, Talleyrand, Sieyès, Chapelier, Condorcet ; Réimpression de l'An cien Moniteur, t. IV, p. 368, 688 ; t. VIII, p. 306.