Gouverneur Morris : un témoin américain de la Révolution française

LA LÉGISLATIVE. LE 10 AOÛT 211

J'espérer : les administrations de département avaient été presque toutes composées d'hommes sérieux et modérés. Malouet constate que les départements « presque tous étaient bien composés ! », et au 30 juin 1792 soixante-dix envoyèrent des adresses au roi. Il constate en même temps que la nation était attachée à sa Constitution : « La nation était elle-même en opposition avec le parti républicain ; et, tout infatuée qu'elle fût de sa Constitution, elle entendait conserver la monarchie et le monarque, dont le devoir était de se rallier à elle, sauf à l’éclairer ensuite sur les vices des nouvelles institutions, et ces vices commençaient à être sentis par tous ?. »

Il n'était point étonnant que les Français fussent momentanément amoureux de leur Constitution. Elle avait été ardemment désirée, et avait été rédigée par une Assemblée où abondaient les talents ; c’est même, selon Malouet, ce qui la rendit ingouvernable, Cette Constitution était l'application des principes qu'avait propagés la philosophie du xvrn siècle: elle est presque tout entière en substance dans un livre de l'abbé Mably, Les droits et les devoirs du ciloyen, que l’auteur a daté de 1796 et qui fut publié en 1388. En janvier 1790 elle faisait l'admiration de La Fayette : « À ma grande surprise, rapporte Morris, il me dit que malgré mes critiques à l'adresse de l'Assemblée, je dois reconnaître que leur Constitution est meilleure que celle de l'Angleterre ?. » C'était alors l'opinion dominante parmi les Français. Le 6 février 1791, l'abbé Morellet écrit à lord Shelburne : « Après avoir été appelé Anglomane et mauvais citoyen pendant près de quarante ans, lorsque je louais le gouvernement et la liberté anglaise, Je suis resté tout à coup à une distance énorme de mes contemporains, marchant, à ce qu'ils croient, à une bien autre et plus grande liberté que la vôtre et vous regardant comme des esclaves façonnés au joug *. » Gette conviction et cette foi en la Constitution de 1791 persistèrent longtemps chez beaucoup d'hommes. En 1814 Lebrun, duc de Plaisance,

1. Mémoires, &. 11, p. 200. — 2. Mémoires, &. 1, p. 216. 3. T. I, p. 264. — 4. Op. cit., p. 290.