Gouverneur Morris : un témoin américain de la Révolution française

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en était un exemple frappant : Il était un des cinq membres que le Sénat avait chargés de préparer un projet de Constitution, en vue du retour de Louis XVIIL. Or le 3 avril 1814, à une réunion préparatoire et assez nombreuse qui se tenait chez Talleyrand, voici ce que proposait cet homme qui avait traversé toutes les phases de la Révolution et servi l'Empire : « Le duc de Plaisance, invité par M. de Talleyrand à exposer ses idées sur la nature des institutions qu'il convenait de donner à la France, proposa tout simplement, dit-on, le rétablissement de la Constitution de 1791. Cette proposition à laquelle on était loin de s'attendre de la part d’un homme si expérimenté, causa une stupéfaction générale. Chacun restait muet !. »

Il est donc probable que cette Constitution aurait pu vivre en s’amendant, si les bonnes volontés s'étaient portées à son secours. Or, tout au rebours, dès le début elle, trouva devant elle deux forces contraires mais également hostiles, qui s’employèrent à la démolir, espérant chacune triompher sur ses ruines.

C'était d’abord le roi. Avec toute sa résignation, Louis XVI ne se résigna jamais à être un roi constitutionnel. Il avait accepté la Constitution ; il en avait juré le respect, et Morris. après le 10 août, prétend que ses actions ont été gênées par son serment. Il écrit à Jefferson (18 août) : « Le roi, qui a une fermeté extraordinaire dans la souffrance, mais qui n'a pas les talents nécessaires pour l’action, et qui, de plus, est un homme religieux, s'est trouvé enchainé par son serment à la Constitution, que dans sa conscience il considérait comme mauvaise et sur laquelle il n’y a plus qu'une opinion dans ce pays, parce que l'expérience, cette grande mère de la sagesse, l'a mise en jugement et l’a condamnée ?. » Mais il est certain

1. De Viel-Castel, Histoire de la Restauration, t. I, p. 24r. 2 p.572