Gouverneur Morris : un témoin américain de la Révolution française

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LA LÉGISLATIVE. — LE ro AOÛT 213

que jamais Louis XVI n'a considéré la Constitution de 1791, comme sérieuse et durable, et ne s’est, de bonne foi, prêté à son fonctionnement. Il la regardait, ainsi que la reine, en quelque sorte comme son ennemie personnelle. « J'en revenais, dit Malouet, à mon plan de confédération des départements et des gardes nationales, en employant pour cela et les moyens el les hommes de la Constitution, ce qui était toujours un épouvantail pour le roi et la famille royale !. » C'était ce sentiment qui animait toujours Louis XVI et Marie-Antoinette contre les hommes qui avaient appartenu à la majorité de l’Assemblée constituante ou qui avaient sympathisé avec elle : c'étaient pour eux les traîtres par excellence. Cette répulsion les amena, nous le verrons, à repousser non seulement des conseillers utiles, mais même de véritables sauveurs. C'est aussi cet état d'esprit qui les poussa, croyons-nous, à engager avec les princes étrangers, avec les ennemis de la France, ces dangereuses et coupables négociations que conduisirent en 1791 et 1792 le baron de Breteuil et Mallet du Pan?. Morris, pour d’autres raisons peut-être, ne s'y est point trompé. Le 30 septembre r7917 il écrit à Washington : « Aujourd'hui dans une heure le roi va clore la session de l’Assemblée nationale ou plutôt lui dire adieu. Vous avez vu qu'il a accepté la nouvelle Constitution et a été en conséquence remis en liberté. La conviction générale et presque universelle est que cette Constitution est impraticable ; ses auteurs la condamnent jusqu’au dernier. Jugez ce que doit être l’opinion des autres. L'affaire du roi est présentement de se rendre populaire et, en vérité, sa vie et la couronne en dépeudent : car la Constitution est telle qu'il doit bientôt être plus ou moins que ce qu'il est à présent et, heureusement, il commence à penser ainsi; mais, malheureusement ses conseil-

1. Mémoires, 1. IL, p. 206.

2. Sur la mussion de Mallet du Pan, voir outre ses Mémoires, Malouet, Mémoires, t. IT, p. 210, 219 ; sur celles du baron de Breteuil, Malouet, Mémoires, t. Il, p. 215; de Flammermont ; Négociations secrètes de Louis XVI, et du baron de Breteuil avec la Cour de Berlin (décembre r391-juillet 1792), Paris, 1885.