Gouverneur Morris : un témoin américain de la Révolution française

FE

il a été question ci-dessus et il s'en ouvre à M. de Moustier. Le plan de Conseil privé d’ailleurs n'aboutit point. Malouet déclare que tous ceux qu'on voulait y mettre refusèrent. « Montmorin obéit et se rendit chez monseigneur l'archevèque d'Aix, chez l'abbé de Montesquiou et chez mot. Nous n'avions pu nous concerter et à partir de cette époque, nous ne nous sommes revus, ces deux messieurs et moi, qu'en Angleterre ; mais nous fimés tous séparément la mème réponse *. ».

Maintenant Louis XVI, lorsqu'il cherchait à constiluer ce Conseil privé, en octobre et novembre 1791, était-il inspiré par les idées que lui prête Malouet ? Prévoyait-il déjà qu'il pourrait un jour être forcé de prendre un ministère inspiré par la majorité de l’Assemblée et voulait-il, par avance, organiser les chosesen vue de cette éventualité ? Cela est possible. Cependant il semble que ce soit par un revirement brasque de sa politique qu'en mars 1792, sous une pression de jour en jour plus forte, qu'il nomma les ministres Girondins.

Mais il n’avait pas calculé les conséquences constitulionnelles de sa nouvelle politique. Fatalement en gouvernant avec la majorité de l'Assemblée il renonçait à son droit de velo. C'est un phénomène qui s'est produit partout où s'est établi le gouvernement parlementaire ou de cabinet. Les esprits clairvoyants le sentaient bien et Mallet du Pan écrivait alors dans le Mercure de France : « Le dernier: changement de ministère fait nécessairement tomber l'exercice du velo suspensif, en entourant le trône des agents de La faction qui dicte les décrets. Ce qu'avaient prévu un petit nombre d’esprits tranquilles s’est vérifié. Après avoir essayé loutes les combinaisons intermédiaires entre les monarchistes et les républicains, enfin, d’échelon en échelon, le roi vient de s'abandonneraux Jacobins; une partie deleur conseil est devenu le sien ?. » Louis XVI n'avait pas exactement calculé jusqu'où pouvait allerson abnégation de roi constitutionnel, et le r2 juin 1792, à l'occasion des décrets sur les prêtres insermentés, qu'il ne voulait pas sanctionner, il révoqua Roland, Clavière et Ser-

LA LÉGISLATIVE. — LE 10 AOÛT 235

1. Mémoires, t. IL,.p. 204. — 2. Mémoires, t. I, p. 266 (mars 1992).