Gouverneur Morris : un témoin américain de la Révolution française

LA LÉGISLATIVE. — LE 10 AOÛT 239

La seconde tentative eut lieu le 7 août : « Notre conférence, dit Malouet, avait pour objet de tenter un nouvel effort pour faire enlever par les Suisses la famille royale et la conduire à Pontoise. Avertis fort en détail de tous les préparatifs du 10 août, nous nous étions rassemblés dès le matin chez M. de. Montmorin. Il avait écrit au roi pour lui en faire part et lui dire quilny avait plus à reculer !. » Et Malouet décrit le

lan de l'opération. Le roi refusa encore, et Montmorin n'obtint rien en allant au château; cette fois même Mme Élisabeth ne voulait point partir. Elle apprit à Montmorin « que l'insurrection n'aurait point lieu. que Pétion et Santerre s'y étaient engagés ».

Évidemment, dans l'intelligence bornée et hésitante de Louis XVI c'était une idée fixe que de ne point engager la lutte armée avec ses sujets. On peut même retrouver la génèse de cette idée : « Il blämait Charles [, dit Malouet, d’avoir pris les armes contre ses sujets et il ne voulait pas l’imiter. Il se résignait à souffrir plutôt qu'à être considéré comme

à promoteur d'une guerre civile ; 1l n'avait pas contre les con-

stitutionnels une avérsion aussi prononcée que la reine et Mme Élisabeth ?. » Cela est encore précisé dans les Souvenirs de Moreau: « J'ai presque été fâché, écrit celui-ci, que mon ami Le Moine de Clermont, qui lui avait appris l’anglais, lui eùt prêté les Wémoires de Clarendon, qu'il lut dans leur langue originale et qu'il médita beaucoup trop. Il ne perdit jamais de vue la mort de Charles I et l’échafaud de Westminster. « Je suis menacé du même sort, se disait-il ; sil « existe un moyen de l'éviter, é’est de faire tout le contraire de ce « que fit cel infortuné monarque *. » Déchainer les souverains

étrangers contre la France, lui paraissait sans doute permis et

dans tous les cas, cela ne rentrait pas dans le précédent. Morris fut probablement mêlé aux deux tentatives signalées plus haut: il faisait partie du groupe auquel appartenaient Montmorin et Malouet et d’ailleurs pour l’une d'elles, nous en trouverons bientôt l’aveu précis. Mais il avait aussi son

1. Mémoires, t. IE, p. 231. — ». Mémoires, t. IL, p. 229. 3. Souvenirs, t. I, p. 467.