Gouverneur Morris : un témoin américain de la Révolution française

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succès de l'ennemi. Morris le constate de auditu, après que la guerre est déclarée, le 12 mai 1792 : « Je vais plus tard chez l'ambassadeur d'Angleterre. Ils regardent les affaires de France comme touchant à leur fin et que quelques semaines termineront l'affaire. Mme de Montmorin exprime le vœu que l’armée de La Fayette soit battue à plate couture, ce qu'elle considère comme nécessaire pour détruire les espérances de la Révolution !. »

Cependant Morris se méfie. Il parait sentir qu'avec tous ces atouts en main on pourrait perdre la partie, et le Journal porte à la date du 14 mai: « La guerre qu'ils ont déclarée paraît d'effrayant augure; il semble qu'il n’y ait qu'un espoir de succès, c'est qu'il se passe des choses improbable, lesquelles arrivent ordinairement ?. »

D'ailleurs cette guerre était en quelque sorte fatale. Ce fut la royauté même qui en fit la proposition formelle, comme le voulait d’ailleurs la Constitution de 1791, et Morris montre très bien que, pour des raisons différentes, tous les partis (sauf les républicains déclarés) s'accordaient à la vouloir : « La condition de leurs finances est telle que toute personne réfléchie voit l'impossibilité de marcher plus longtemps dans cette voie, et, comme après tant de pompeuses déclarations, un changement de système n'est pas peu dangereux chez un peuple si déréglé et si émancipé, il leur a paru qu'une guerre fournirait un prétexte plausible à des mesures d’un caractère décisif, pour lesquelles la raison d'État sera poussée jusque dans les dents de la politique, de l'humanité et de la justice. — D'autres considèrent une guerre comme le moyen d’obtenir pour le gouvernement le commandement éventuel d’une force militaire disciplinée, qui pourrait être employée à rétablir l’ordre ; en d'autres termes, pour rétablir le despotisme ; et alors ceux-là s’attendent à ce que le roi donnera à la nation une Constitution qu'elle n’a pas, par elle-même, la sagesse d'établir ou d’accepter. — D'autres encore supposent qu'en cas de guerre il y aurait une tendance de la part du roi à se rapprocher de son frère, de la part de la reine à se rap-

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