Gouverneur Morris : un témoin américain de la Révolution française

LA LÉGISLATIVE. — LE 10 AOÛT 253

rocher de l'Empereur ; de la part des nobles qui sont restés (ls sont très peu) à se rapprocher de leurs frères qui ont quitté le royaume, de sorte que les insuccès qui doivent se produire naturellement quand on oppose une populace indisciplinée à des armées régulières, peuvent être facilement imputés à la trahison dans les conseils du gouvernement et qu'on

ourrait amener le peuple à bannir ceux-ci, pour établir une République fédérale. — Enfin les aristocrates, brûlant du désir de la vengeance, pauvres pour la plupart et tous orgueilleux, espèrent que, soutenus par les armées étrangères, ils pourront encore rentrer victorieux et rétablir l'espèce de despotisme le mieux accommodé à leur cupidité. Il se trouve par suite, que la nation entière, quoique pour des motifs différents, désire la guerre: de plus il est permis, dans une vue d'ensemble comme celle-ci, de faire entrer en compte l'esprit national, qui a toujours été belliqueux !. »

Mallet du Pan constatait la même unanimité des partis en faveur de la guerre : « Le comité Jacobin, le comité Constitutionnaire, le comité de S. M., les royalistes de diverses dénominations, s'accordent à désirer la guerre... Les uns ne savent plus comment soutenir l’ordre de choses actuel: les autres sont impatients de le voir renverser, les troisièmes soupirent après une issue quelconque. » Lui, comme Morris, cherchait à lutter contre le courant: « J'ai dit et je ne cesserai de répéter ce qu’une expérience prochaine redira bien plus énergiquement encore, que la guerre activera la dissolution de la monarchie ou la fera changer de servitude. Ce n’est pas, j'ose le prédire, pour la conservation du trône, pour les amis quelconques du gouvernement monarchique en France que nos armes triompheront. Seront-elles repoussées, la monarchie, les lois, La vraie liberté retomberont au pouvoir de la force; les vainqueurs ulcérés ne se piqueront pas de tempéraments et, si l’on nous fait une Constitution, elle sera peut-être formée avec le bronze qui aura servi à renverser celle d'aujourd'hui ?. »

1. ©. I, p. 50g. Lettre à Washington, du 4 février 1792. >. Mémoires, t. {, p. 247, 249 : Mercure de France, décembre 17gr et janvier 1792.