Gouverneur Morris : un témoin américain de la Révolution française

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ne comprend plus qu'une partie de ceux qui avaient été élus pour faire une Constitution. Ceux-là, après avoir mis en arrestation leurs collègues, prétendent à la toute-puissance el en ont délégué la plus forte part au Comité de salut public. Vous remarquerez que l’une des mesures ordinaires du gouvernement est d'envoyer des commissaires avec des pouvoirs illimités. Ils sont investis du pouvoir de révoquer les fonctionnaires élus par le peuple et d’en mettre d’autres à leur place. Ce pouvoir, comme celui d’emprisonner les suspects est largement exercé !. » Notons en passant que ces détails sur les représentants en mission sont de la plus rigoureuse exactitude. ;

Ce que Morris a surtout noté et décrit sous la Convention, ce sont les luttes des partis. Il a d’abord signalé dès le début, ayant même que la Convention fût réunie ou même élue, l’antagonisme irréductible des Brissotins-Girondins et des Jacobins-Montagnards. Il a suivi de près les diverses péripéties de cette lutte insensée. Dès le 31 août 1792 voici l'information qu'il reçoit de Talleyrand: « Il me dit qu'il y a déjà une division parmi les gouvernants. Il me communique les vues de ceux qui, selon le cours naturel des choses, doivent devenir les plus forts. Je lui communique les raisons que j'ai de penser qu'ils poursuivent un but chimérique?. » Il me paraît qu'il s’agit-la des Girondins. Le 4 septembre, au plus fort des massacres, il note : « Le parti de Robespierre a juré la perte de Brissot *. » Le 7 septembre, c’est la Commune de Paris qui entre en scène dans ce passage déjà cité: « J'apprends que la Commune a fermé les barrières parce qu'elle soupçonne l’Assemblée (législative) de vouloir se retirer. » Le 14 septembre il porte ce jugement aussi bref que prophétique : « Les factions semblent de jour en jour plus aigries l’une contre l’autre et malgré le danger commun dont elles sont loin d’être disposées à s'unir. Il ble probable que celle qui possédera Paris dictera la loi aux autres. Je vais aujourd’ hui prendre l'air sur les boulevards. »

1. T. Il, p. 53. Lettre à Washington du 18 octobre 1793. 2 TD SRE 3 NTI p: 282. — 4. T. L p. 588.